Carnet de bord 8 : Retour en Martinique

 
Septembre 2018
Après avoir dit adieu au petit bébé poulpe (je sais que j’en parle beaucoup mais vous comprendrez quand vous verrez les images vidéos!), nous voici partis pour une dernière navigation, où j’aime me dire chaque matin que c’est mon nouveau poste de travail:
 

 

 

Nous avons calculé d’arriver au port de Martinique quand la mer était haute car nous devions reprendre du gazole au même endroit où le bateau avait touché le sable à plusieurs reprises. Mais en fait la pompe à gazole ne marchait pas et on a été directement se garer dans le port. Depuis des mois j’appréhendais ce moment, manoeuvrer dans un petit espace et se garer en marche arrière perpendiculaire au ponton.
J’avance très très lentement, la fille géniale de la marina était sur le ponton pour nous aider. Puis quand je suis bien placée, parallèle au ponton je commence à reculer. Mais les bateaux en marche arrière ne vont jamais droit, ils tournent toujours plus d’un côté, toujours le même. Diatomée a tendance à tourner vers la droite, et je devais aller vers la gauche en reculant. Et là, moment cauchemardesque, le bateau recule vers la droite même si j’ai la barre à fond vers la gauche, il répond pas du tout à ce que je demande et fait même tout l’inverse! Le bateau se retrouve face au ponton, perpendiculaire mais avec le nez devant et non l’arrière comme prévu. C’était comme dans les cauchemars quand on conduit et que la voiture freine pas ou un truc du genre. Du coup j’avance pour recommencer mais le vent nous poussait déjà vers le ponton et Alex hurle « RECULE! RECULE! Tu fonces dans les bateaux!!!!! ». Du coup moi en panique totale je recule mais à fond, y’a plein de fumée noire partout. Je hurle aussi et on se retrouve comme ces couples qui se gueulent dessus à chaque manoeuvre et à qui on veut surtout pas ressembler…
Bref je perds encore plus mes moyens et le contrôle du bateau qui est si long que je ne me rends pas compte du tout quelle marge de manoeuvre j’ai devant moi, et je suis stressée du fait qu’en marche arrière il ne réponde pas comme je veux. Je demande à Alex de prendre la barre car je suis en totale panique + la grosse honte devant la meuf de la marina. Alex gère hyper bien, en douceur avec le moteur et sans paniquer, et surtout il ne se serre que du propulseur d’étrave pour diriger le bateau. Ce sont deux petites hélices à l’avant qui poussent l’étrave à gauche ou à droite et permettent de redresser le bateau. Dès qu’il a remis le bateau dans le bon sens, je reprends la barre et je gère l’arrivée près du ponton, j’alternais marche avant/poussée du vent pour rester le plus sur place possible et que l’arrière ne touche pas le ponton.
On s’en est sorti comme ça, non sans quelques grosses gouttes de sueur. Maintenant je sais qu’il ne faut pas compter sur la barre en marche arrière, c’est comme ça qu’on apprend…
Avant cela, nous avons à nouveau caréné le bateau, ce qui est assez déprimant car on l’avait fait 15 jours plus tôt et c’était déjà bien envahi d’algues! Je me demande dans quel état on va retrouver Diatomée dans deux mois!!!!
 

 

 

Et j’ai lavé mes 48 maillots de bain ce qui a pris 4 sceaux, 2 heures et toute la filière du bateau! Car en plus du maillot pour bronzer, pour nager, pour nager en bronzant, pour nager sans bronzer, il y a celui pour naviguer maintenant!

 

 

 

 

Une fois au port, toutes les corvées nous attendaient, on a commencé par la laverie et je me suis absentée longtemps du bateau pour mettre plusieurs cycles de séchage. Quand je reviens, je trouve Alex en sang. Il était tombé de tout son poids, la tête en premier sur un angle et c’est le coté gauche du front qui a tapé. Il était tout ouvert et pissait le sang. En fait il a chuté et a failli tomber dans les pommes, notre voisin d’en face est vite venu à sa rescousse puisqu’Alex était seul sur le bateau, et par chance il était pompier. Il a fouillé nos trousses de secours et a pu le désinfecter, Alex voulait aller aux urgences mais le mec lui a dit que c’était pas la peine. Alex a reçu un gros choc et était tout sonné, très très fatigué.
Le lendemain on avait énormément de travail sur le bateau et Alex a fait ce qu’il a pu mais y’a beaucoup de choses physiques à faire c’était pas facile. Il était trop mal de se sentir si handicapé et peu utile. En plus au port on peut pas interrompre les corvées par des baignades! En fin de journée, on a mis les deux moteurs de l’annexe à l’intérieur, fermé le bateau, triplé les amarres et pris plein de photos de toutes nos précautions pour notre assurance en cas de cyclone. Il faut prouver que t’as grave bien amarré le bateau et consolidé la bôme. Si t’as oublié une amarre, ils remboursent rien…
Une fois dans le taxi, on s’est rarement autant senti soulagés/en vacances/épuisés! Direction l’hôtel de Martinique n°1 sur TripAdvisor pour 5 nuits. On aurait pu rester plus sur le bateau mais on rêvait d’un vrai lit et de vraies vacances car sur le bateau t’as toujours un truc à réparer/faire à manger, et on étouffe, au bout d’un moment on rêve d’un autre endroit.
Et là on est en kiffe total, l’hôtel est génial, y’a un bateau qui peut nous amener à Fort de France si on veut visiter la ville, autour de l’hôtel y’a piscine, plage et un village créole moitié Barbie moitié Disneland! Et y’a la télé avec canal plus!!!!!!! Que demander de plus?
 

Ça ressemble presque à Morpion, la minuscule île des Grenadines!

 

 

 

 

Par contre Alex est dans un état épouvantable. Il cumule sa sciatique du bras avec d’énormes douleurs dans le dos/épaule et tout le bras (qui est sans doute une hernie), et les douleurs suite à sa grosse chute. Il a beaucoup de mal à dormir et se bourre de cachets anti inflammatoires. Il a sa colonne toute tordue et même si le jour de notre arrivée à Paris il a déjà pris rdv chez sa super kiné, il est allé voir une osthéopathe ici. Elle a l’air top, normalement elle avait 3 mois d’attente! Elle lui a demandé s’il avait des responsabilités car les vertèbres qui étaient bloquées étaient celles qui se bloquent quand on a beaucoup de responsabilités… no comment! Quand il est assis, il ne peut relever sa tête car ça lui fait trop mal aux cervicales, du coup au restaurant il ne regarde que son assiette le pauvre, et quand on marche il n’est bien qu’avec un bras levé donc les gens nous regardent un peu bizarrement. Je lui fait des longs massages avec des crèmes qui m’engourdissent les mains et piquent les yeux tellement elles sont puissantes. Il n’est pas du genre à se plaindre mais vraiment il en chie grave! Et dès notre retour il doit enchainer un boulot pour RedBull puis pour Decathlon, il faut absolument qu’il se remette d’aplomb …
 

 

 

J’ai été triste de voir dans le menu des restaurants ici, que des animaux qui m’ont réjouie, émue et embellie la vie : poulpe, marlin, lambi (c’est un coquillage magnifique avec deux yeux qui sortent au bout de longues cornes comme les escargots et une longue trompe au milieu qui aspire pour manger, ils sont adorables) et les petites langoustes trop choupinettes cachées sous les rochers… Mais le pire c’était le super resto à Mustique qui avait au menu un « baby octopus »…véridique!

 

Le lambi rentre ses yeux et sa trompe dès qu'on approche, puis timidement il continue d'explorer le sable !

 

 

 

 

Je comprends tous ces navigateurs qui deviennent alcooliques, Alex buvait presque chaque soir, et moi qui boit un verre d’alcool tous les trois mois, je suis passée à un par semaine!!!!!! Mais j’ai perdu largement 3 kilos (pas au niveau des pieds!!!!), et Meaghan en a perdu 5!!!!
Avec Alex on est fier de ce premier périple en solitaire à deux (vous aurez compris), on est fier d’avoir rendu des gens heureux et on est fier de tout ce qu’on a accompli en un an à peine. Car à la même époque en 2017 je lisais la page 1 du livre des Glénans (la bible des navigateurs qui fait 2356 pages !!! ).Nous rentrons juste avant l’arrivée de l’ouragan, croisons les doigts…
C’est sur ces belles paroles que se termine ce neuvième carnet de bord. Mais j’espère que c’est loin d’être le dernier. Reprise de la route salée en novembre!!!!!
 
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