Rangiroa

Septembre/Octobre 2022

 (Stenella longirostris)

Nous quittons l’atoll de Tikehau escortés par des dauphins à longs becs. Rangiroa n’est pas très loin mais la navigation se fait face au vent et aux vagues. Complètement abrutie par mes cachets, Alex doit gérer seul le bateau et j’avoue que cela me saoule tellement que je n’y mets pas du tout du mien. Je m’éteins, comme pour disparaitre et ne pas subir ce trajet et le pauvre Alex ne peut pas trop compter sur moi. Sur le moment j’ai l’impression de ne pas pouvoir faire autrement mais avec un peu de bonne foi, je m’en veux d’être si passive et peu aidante.

En plus je fais un caca nerveux pour mouiller à tel endroit, tout prés de l’hôtel à l’abris du vent, ce qui ne rassure pas Alex qui préférait être derrière tous les autres bateaux, plutôt que de slalomer au milieu d’eux.

Mais la bonne humeur revient vite à bord car nous sommes trop heureux de pouvoir profiter de la terre toute proche, des snacks et petites boutiques, de la civilisation.

Nous allons à la mairie payer nos taxes d’ordures ménagères. Si cela pouvait être pareil dans toutes les îles ce serait génial! Car très souvent c’est extrêmement compliqué de jeter nos poubelles, rien n’est prévu pour les voileux, chaque poubelle est privée et les locaux payent une taxe pour le ramassage de leurs déchets, et nous qui ne payons rien, nous ne sommes pas les bienvenus alors que nous sommes complètement d’accord pour participer aux frais que nos déchets impliquent! À Rangiroa il y a une poubelle pour nous et une taxe à régler, un tri sélectif bien respecté.

C’est moi ou les dauphins sont un peu ratés ?

Une affiche à la gendarmerie nous glace un peu le sang… (lire tout en bas) :

Nous sommes tout prés de la passe de Tiputa, très connue pour ses plongées et pour son groupe de grands dauphins qui y vit! Y aller par nous même demande une grande prudence car le courant est si fort que cela peut vite s’avérer mortel. En gros, si le courant est sortant, il t’expulse direct en plein Pacifique et les chances de survie sont minimes. Il faut donc y aller courant rentrant lors de la marée montante. Mais attention! Parfois le courant est censé être rentrant, mais il y a tellement de houle qui a envahi le lagon que l’eau est obligée de s’évacuer créant un courant sortant plus fort que le rentrant. Bref nous vérifions bien le sens du courant avant de glisser le moindre orteil dans l’eau!

Les plongées dérivantes sont hyper ludiques mais hélas ce fort courant ne permet pas au corail de pousser et il y a peu de vie. Le paysage est très lunaire et défile sous nos yeux à toute vitesse! Moi ça me donne envie de danser sous l’eau! Nous décidons de tourner un petit film car cette ambiance surréaliste est très inspirante! C’est d’ailleurs ici que Guillaume Nery et Julie Gautier ont tourné « océan Gravity ». Mais pour que l’image soit stable, Alex tourne en 100 images seconde (très grand ralenti), du coup cela annule complètement l’effet dérivant!

Nous passons aussi beaucoup de temps à « l’aquarium », un jardin de corail d’une grande beauté où nous croisons poulpes, murènes, requins et poissons tropicaux!

 Ce banc de perches pagaies est d’un calme hypnotisant…

Le fou brun, notre oiseau chouchou nous suit partout! 

Mais comme beaucoup de touristes ici, j’ai bien envie de croiser les dauphins! Nous pouvons parfois les voir sauter et jouer dans le courant depuis la côte, mais ils sont dans l’ensemble assez discrets.

Les dauphins ici sont connus pour être interactifs avec les plongeurs bouteilles, peu avec les apnéistes. Et les endroits où voir potentiellement des animaux sont difficilement accessibles avec notre petite annexe car c’est vraiment à la sortie de la passe! Nous décidons donc de faire quelques plongées en bouteille : un refresh (plongée de réadaptation peu profonde) et deux plongées dans la passe!

Je suis niveau 1 mais j’ai peu de plongées à mon actif et Alex est niveau 2 et beaucoup plus expérimenté! Merci les tutos YouTube  pour se remémorer les bases!

Je suis évidemment le boulet du groupe! Toujours trop haute ou trop basse (il est important de rester au même niveau que le guide de palanquée). Le détendeur me rend la bouche complètement sèche et l’énorme bouteille me fait mal aux reins. J’ai envie de descendre voir le grand requin marteau que nous croisons mais je ne peux pas (question de sécurité)! Je ne me sens pas libre de mes mouvements et c’est très inhabituel pour moi! Alex kiffe de prendre le temps et d’observer sous un autre angle la vie marine qui nous est si familière.  

Poisson pincette jaune

Nous avons la chance d’observer quelques dauphins dont un qui passera juste sous nous mais cela reste très furtif! Ils ne sont pas trop d’humeur interactive. Ici ils ont été comme apprivoisés à force d’être au contact des hommes et ils viennent se faire gratouiller par les plongeurs. Cela dénature leur comportement et ils perdent leur identité d’animaux sauvages.

Nous avons d’ailleurs choisi un des rares clubs de plongée qui interdit formellement de les toucher (Rangiroa Diving center).

Chaque individu du groupe résident est connu, identifié et étudié!

Nous visitons le petit village de Tiputa avec son église schtroumf! L’intérieur est aussi apaisant qu’une chambre de nourrisson!

La première fois que nous avons vu la plante Cassytha filiformis, nous pensions que c’était un filet  de pêche abandonné! C’est en fait une plante parasite qui pénètre l’épiderme de l’arbre sur lequel elle évolue! Appelé aussi ici « chevelure de Hina »

Nous faisons des allers retours avec nos vélos pour remplir la nourrice d’essence. Et nous louons une voiture pour faire aussi le plein de gazole et d’eau, si rare dans les Tuamotu! Ici il est possible d’acheter de l’eau de pluie filtrée ce qui nous soulage un peu car nous allons recevoir du monde à bord et nos cuves sont presque vides! 

Le sempiternel coucher de soleil du carnet de bord! 

Nous avons la chance d’assister aux festivités locales avec de nombreux spectacles de danse. Je suis surtout fascinée par le talent des enfants qui dansent comme des professionnels, à voir dans une prochaine vidéo! 

Nous changeons de mouillage pour aller tout prés de la passe d’Avatoru, connue pour être plus calme et donc plus poissonneuse… Effectivement nos plongées sont incroyables!

À terre nous avons accès à un motu complètement sauvage où juste une petite pension, le lagon vert, y a élu domicile. Nous sommes époustouflés par la beauté du lieu!

Où est  boat Charlie?

Deux chiens nous accompagneront durant toute notre balade! Ils chassent les poissons dans les flaques de mer!

 Voici l’épave que nous apercevons en entrant dans la passe avec le voiler…Pas très accueillant!

Nous retournons au mouillage de Tiputa pour accueillir nos 3 invités: Morgan, Isabella et Fanny.

Morgan est un très grand ami d’Alex! Avec Isabella, Ils habitent à Munich. Cela fait plusieurs années qu’ils rêvent de nous rejoindre et finalement ils ont décidé de venir un peu à la dernière minute! Morgan est connu de tous puisque c’est le talentueux dessinateur de notre logo:

Mais en plus du dessin, il sait faire de l’apnée, de la photo, de la musique (batterie/piano, il a l’oreille absolue), des films, de la voile, de la boxe, du drone, jouer aux échecs, construire une maison de ses propres mains et il est très brillant dans son travail où il manage une équipe qui développe des logiciels pour l'utilisation de données satellites.

Et oui il y a des gens comme ça tellement inspirants…Surtout qu’il est d’une gentillesse et d’une humilité, comme la plupart des gens vraiment talentueux. 

Isabella est une magnifique allemande aux yeux bleus, elle comprend très bien le français mais c’est plus simple pour elle si nous parlons anglais. Elle suit Morgan au fin fond de la brousse africaine pour aider les anti braconniers.

 Et Fanny vient se joindre à nous pour une semaine car elle travaille énormément et des vacances s’imposaient! Souvenez-vous, c’est celle qui tient l’épicerie ambulante vrac/0 déchet à Moorea: le Ma’a dans le bocal.

 C’est parti pour la vie de gitans aquatiques!

Le pauvre Morgan s’est trimballé tous les Corto Maltese qu’Alex lui a commandé alors qu’il n’aura jamais le temps de les lire avant notre retour à Paris…Par contre le rhum ne va pas faire long feu! 

À peine les valises posées, nous allons  plonger dans la passe au fort courant. Il fait gris, il y a très peu de visibilité sous l’eau, une forte houle, beaucoup de vaguelettes, l’eau est noire…l’ambiance est mega dark! C’est super sport et très glauque pour une première mise à l’eau et sans surprise nos invités préféreront faire du snorkeling à l’aquarium avec les poissons multicolores !

 2 taurillons à longues nageoires

 (c)Fanny

Le lendemain la passe est plus calme et ensoleillée, une belle surprise nous attend: un grand dauphin plutôt curieux!

(c)Fanny

Tursiops truncatus (c)Fanny

Il joue avec un morceau de plastique qu’il passera de son rostre à sa nageoire pectorale puis caudale. Est-ce un message adressé aux humains contre la pollution plastique???!!!

Puis il s’immobilise et se laisse couler dans un état quasi léthargique… Nous le surnommerons « le dauphin dépressif ».

Nous saurons que sa curiosité était attisée par les petits bruits que Fanny faisait sous l’eau pour attirer son attention! Car ce qui l’intéresse par dessus tout, c’est de se faire gratouiller par les plongeurs comme nous en serons tristement témoins. 

(c)Fanny

Puis nous allons à la fête du petit village de Tiputa où Alex et Morgan se font alpaguer par l’animateur pour participer au lever de pierre, sport local très prisé des Polynésiens! Ils doivent soulever une pierre de 80 kg et à voir leurs visages écarlates, les veines du cou exorbitées et les jambes tremblotantes, nous pouvons supposer que c’est assez lourd!!!!

Une pierre de 80kg pour Alex et 100kg pour Morgan…Ckikia la plus grosse? (c)Fanny

Pratiquer sans connaitre la technique équivaut pour moi à détruire son corps et se péter le dos en quelques secondes…Je suis pas trop fan!

 La fête continue avec un spectacle de danse tahitienne et hawaïenne.

L’après-midi nous visitons le petit village  d’Avatoru à l’autre bout du motu, comme il n’y a plus de vélo de location disponible nous prenons un taxi dont nous nous souviendrons pendant longtemps : le chauffeur dira qu’Alex est le sosie de Louis de Funès! Il dira même pire puisque sa phrase exacte est la suivante « Vous devez déjà l’avoir entendu 1000 fois mais vous êtes le sosie de Louis de Funès ». Alex est dépité, au bout de sa vie , presque aussi dépressif que le dauphin.

Ce qui est sûr, c’est que ce petit air de Louis de Funès lui collera aux fesses en mode running gag tout le séjour!

Le lendemain des habitantes de Tiputa nous accompagnent à vélo visiter le village et le récif.

Il est midi pétante, en plein cagnard, Isa et Morgan prennent très chers en coup de soleil! Surtout que l’absence totale de montagne rend la luminosité très forte et le climat aride.

Nous pique niquons au bord de la passe de Tiputa, et à peine sa dernière bouchée avalée, Morgan a déjà fait envoler son drone qu’il maitrise parfaitement! Il fait des images de la passe incroyables!

À gauche du petit banc de sable, les patates de corail forment « l’aquarium » où nous adorons nager. (c)Morgan

 Nous allons diner au célèbre Relais Joséphine qui nous permet d’observer en direct dauphins et requins.

Morgan vient souvent dormir dans le carré car dans sa cabine il y a peu d’air surtout pour la personne qui dort en haut.

Le carré de Diatomée selon Fanny : extrait de son journal de bord!

Les invités sont agréablement surpris par la diversité et la qualité des repas. Morgan qui mange beaucoup de viande se réconcilie avec la nourriture végétarienne, même s’il ne la digère pas toujours. Et moi je passe beaucoup de temps à organiser et anticiper les repas, Maïté a une réputation à tenir et cela prend beaucoup de place dans ses pensées! 

Nous partons ensuite tout au sud de l’atoll, à l’île aux récifs, Morgan se fait un plaisir de barrer durant les 5 heures de navigation.

 Morgan by Fanny

Nous sommes seuls au monde dans cet endroit paradisiaque, et nous avons conscience de vivre des moments exceptionnels!                      

(c)Morgan

(c)Morgan 

Côté récif, d’étranges formations coralliennes surélevées donnent une ambiance assez dark. 

Entre le récif et le lagon, de véritables piscines naturelles peuplées d’oeuvres d’art. 

Chaetodon à deux selles (c)Fanny

(c)Fanny 

 Une magnifique plage déserte nous attend!

Balades, nage, snorkeling, photos, pique-nique et cours de drone pour moi! J’ai le courage de sortir à nouveau le drone qui la dernière fois ne répondait plus à toutes les commandes. Morgan comprend immédiatement ce qui n’allait pas et me rassure en me donnant plein de conseils. J’ai du mal à me détacher de l’erreur du débutant: regarder l’écran de l’Iphone et non le drone qui vole! Je vais pratiquer avec lui un peu tous les jours et ma boule au ventre se desserre petit à petit!

(c)Morgan

Pendant ce temps là Fanny prend plein de belles photos! Cette patate de corail assez inhabituelle a une forme proche de la perfection!

Alex by Fanny

La marque Floyd a donnée à Morgan une valise à prendre en photo, cela nous inspire assurément! 

Nous devons être à la presqu’île de Tahiti les jours qui viennent pour accueillir l’association Océania, il est donc temps de quitter Rangiroa et de se préparer pour les 36 heures de navigation!

Fanny repartira à Moorea en avion, elle est très sensible au mal de mer et elle aura déjà bien donné pour supporter la vie au mouillage en sortant de sa zone de confort!

Pour Morgan et Isa, ce sera une première sous les étoiles en plein océan.

À suivre…