Novembre 2018
Pfffiou!!!!!! A l’heure où j’écris ce carnet de bord, nous avons presque terminé notre voyage vers les Bahamas. Nous avions tout le mois de Novembre pour emmener Diatomée de la Martinique jusqu’à Bimini, l’île au nord des Bahamas, presque face à Miami et j’avoue que j’appréhendais un peu ce mois intense en navigation, moi qui subis un peu cela. Nous avons d’abord voyagé jusqu’à Saint Martin, seulement Alex et moi. Puis nous avons la chance inouïe d’avoir deux amis marins partants pour nous aider à faire la plus grande partie de la traversée car Gilles ne pouvait pas se libérer:
Fred Buyle nous a rejoint à Saint Martin, ancien champion d’apnée, il vit maintenant aux Açores et voyage à travers le monde pour donner des conférences, travailler pour des documentaires ou marquer les requins avec des scientifiques. C’est avec lui qu’Alex a la chance de côtoyer les grands requins blancs à Guadalupe hors d’une cage! Même si certains ne verrons pas forcément cela comme une chance… Puis c’est aux îles Vierges Britanniques que nous avons récupéré Clémentine qui n’a pas laissé le choix à son patron pour venir passer 15 jours à bord de Diatomée « on n’a qu’une vie! ». C’est folle de joie qu’elle découvre le bateau, et c’est fous de joie qu’on accueille son enthousiasme légendaire. Elle a vécu sur un voilier depuis toute petite et bosse maintenant chez « Tara », un grand voilier qui parcoure le monde pour différentes expéditions scientifiques.
Nous avons peu vu des îles vierges britanniques, très semblables aux paysages Méditerranéens, seulement une belle épave qui a inspiré quelques belles photos à Fred:
Je suis allée visiter sur la plage déserte, les deux maisons plus ou moins abandonnées…sans doute depuis l’ouragan Irma qui a fait aussi beaucoup de dégâts ici…
Nous sommes ensuite partis pour 3 jours et 2 nuits de navigation! Plein de dauphins sont venus régulièrement à l’étrave, toujours les tachetés pantropicaux, un cachalot a croisé notre route, et plein d’exocets, les petits poissons volants qui viennent malheureusement s’échouer la nuit sur le pont et que l’on retrouve morts au petit matin. Me dire qu’à quelques mètres de moi pendant que j’assurais mon quart un petit poisson était en train d’agoniser sans que j’en ai la moindre idée alors que je pourrais simplement le remettre à l’eau…
Nous avons chacun plusieurs quarts d’1h30 dans la nuit, ce n’est pas trop long et ça laisse le temps pour un ou deux cycles de sommeil. La première traversée s’est déroulée sous la pleine lune, avec peu de vent et une vie à bord paisible ou j’arrive à moins subir le mouvement perpétuel du bateau: en gros je n’ai pas vomi!!!! Youhou! Et 10000 mercis à la personne qui a inventé les audio-livres car comme nos deux pilotes automatiques sont en panne, nous sommes obligés de barrer et il faut l’avouer, c’est méga chiant! J’ai écouté en une semaine autant de livres que je dois lire en un an!!!! Et franchement, si le bouquin est bien écrit et bien raconté, j’ai hâte que mon réveil sonne pour prendre mon quart sous les étoiles!
Le seul hic était le moteur qui n’a pas cessé de caler, après avoir changer un préfiltre, puis deux, puis le filtre, il a à chaque fois refonctionné puis recalé…que faire? Purger…il remarche…rechanger encore le filtre…ouf ça marche aussi! Mais ce qui a permis de réparer le moteur c’est avant tout la danse des zoulouspirits que faisait Clémentine lorsque Fred et Alex transpiraient à comprendre ce qui n’allait pas (à voir très prochainement en vidéo).
La deuxième traversée (5 jours 5 nuits) a été beaucoup plus trash, là on n’était pas en mode bisounours audiolivres sous la belle pleine lune mais plutôt à quatre pattes la tête dans les chiottes à gerber. Je vous passe les détails sur ce que l’on vomit quand on a l’estomac complètement vide… Les autres semblaient tenir le coup mais nous avons tous subis des mauvaises heures à assurer comme on pouvait notre quart, à se prendre des grains, un vent de face qui nous a paralysé pendant presque 24 heures, et surtout des vagues de 4 mètres agitées dans tous les sens qui nous retournaient l’estomac comme dans les pires manèges de la foire du trône, sauf que là c’était pas 4 minutes mais 24h non stop de ballotage. Comme en Méditerranée, j’aime les liens forts que ça crée entre nous, les gentilles attentions et le meilleur qui sort de chacun de nous. La fenêtre de Clémentine dans la cabine avant n’est plus bien étanche et vu les tonnes d’eau que le pont du bateau s’est pris, son lit était trempé et nous avons été ravis de l’accueillir dans notre suite nuptiale en mode colo/gîte de haute montagne! Mais le plus héroïque de tous y’a pas à chier, c’est Alex. Il se coltine toutes les 3 heures la tête dans le gazole à purger/changer les filtres pour que le moteur tienne. On le réveille en pleine nuit, en plein rêve, pour lui dire « le moteur a encore calé ». Il passe des heures dans ce moteur, le front trempé et les bleus sur les côtes qui lui servent d’appui pour atteindre le petit robinet des filtres, du gazole de la tête au pied. Jamais il ne se plaint, toujours le sourire, la patience, le courage.
C’est un capitaine géniallissime qui reste très calme quand le moteur ne démarre plus et qu’on est tout prés des côtes sans un souffle de vent. Il répand sur Diatomée une sérénité quand bien même lui ne l’est pas. Mon amour pour lui grandit chaque jour incommensurablement. Je l’admire et il me donne beaucoup de sa force.
Entre les deux traversées, nous avons eu deux jours idylliques, et un peu irréels. Nous nous sommes arrêtés à Turks et Caicos.
Nous avons rendus visite à Brian et Sabine, un couple habitant ici que nous avions connu lors de notre voyage à Mohéli dans les Comores. Nous sommes restés en contact avec eux surtout grâce à Facebook et je dis merci aux réseaux sociaux beaucoup trop critiqués à mon goût.
Ils cherchaient à l’époque un endroit pour emmener les gens voir les baleines à bosse. Ils se sont finalement installés à grand Turks. Avant ils faisaient ça aux Tonga mais ils ont tout perdu après un cyclone. Je les avais adoré, je les avais écouté parler pendant des heures de leur si grande expérience auprès des animaux, et j’avais été estomaquée par la qualité d’approche que Brian avait fait auprès d’une baleine à bosse: nous l’avions approché pendant plus de 30 mn, on plaçait notre petit bateau en fonction du vent, du soleil, on s’est mis à l’eau tout doucement en restant groupés, la baleine était finalement partie et nous n’avions pas insisté, elle n’était pas plus curieuse que cela.
Cet été Enric Gener (le photographe 27MM) nous a dit que ses plus belles expérience auprès des baleines étaient auprès d’un mec génial aux iles Tonga qui a du déménager à cause de l’ouragan: c’était Brian! Bref, si vous avez envie de faire une vraie rencontre avec les baleines sous l’eau, venez chez eux à Grand Turk quand c’est la saison!
Brian et Sabine nous ont accueilli chez eux, une superbe villa qui borde la mer, ils nous ont invité à une soirée d’anniversaire avec que des gens heureux, ils nous ont fait visité l’île remplie d’ânes sauvages, de flamands roses, de chiens errants et de gens adorables, ils nous ont aidé pour les courses, les machines à laver et à faire du fuel (et oui encore…le vent n’est pas trop au rendez-vous…). Un vrai bonheur de connaître quelqu’un qui connait l’endroit qu’on visite! Ils nous ont offert une sortie plongée bouteille, un énorme mérou nous a suivi tout le long! Et ils nous ont emmenés voir des vers (marins) qui deviennent phosphorescents lors de la reproduction qui a lieu entre 3 à 6 jours après la pleine lune, juste après le coucher du soleil. Nous avons guetté longuement la mer pour finir par en apercevoir quelques uns! La femelle remonte à la surface comme un feu d’artifice, éjecte ses gamètes femelles que le mâle va féconder pour mourir juste après. Incroyables vies animales! Nous avons aussi fait de l’apnée car les fonds sont magnifiques: requins, raie, tortues, barracudas et j’en passe.
Mais avant de les retrouver, nous devons comme à chaque arrivée sur l’île passer par l’immigration, comme ils n’étaient pas encore ouverts nous sommes allés manger dans le seul restaurant ouvert en cette fête de Thanksgiving: la brasserie de l’aéroport! Et on se retrouve encore dans des endroits improbables à moitié déserts, à super bien manger, à croiser taureaux et chevaux sauvages. Je crois que c’est les moments que je préfère. La notion du temps est tellement différente. Je subis la navigation car j’ai du mal à faire autre chose en même temps et je vis ça comme du temps perdu. Je suis parisienne depuis plus de 20 ans et j’ai appris à rentabiliser le temps un maximum comme tout parisien qui se respecte. C’est pour ça que j’aime autant les audio livres!!!!
J’ai écrit tout le carnet de bord hier et un dernier rebondissement à raconter vient de se produire! Nous avions prévu une petite halte dans un port des Bahamas (pour racheter des filtres!) avant notre dernière destination: Bimini.
Nous avions prévu d’arriver au petit matin. En pleine nuit, le moteur fait un gros bruit très bizarre, je l’éteins tout de suite et Alex s’aperçoit que la soudure qui supporte l’alternateur s’est cassée, notre alternateur est tout pendigolant! Il sert à transformer l’énergie du moteur pour recharger les batteries. Panique à bord car notre groupe electrogène ne marche plus non plus et on ne rechargeait les batteries que grâce au moteur. Aucun moyen de recharger les batteries à part l’éolienne qui franchement n’est pas assez efficace. Du coup on se dit que notre programme est tout foutu et que le temps de le réparer nous allons devoir rester une semaine minimum dans ce port. Et en attendant nous allons devoir vivre sans electricité (ça abîme énormément les batteries si elles sont trop déchargées). Nous avons du tout couper: les 2 frigos, les lumières, la pompe des toilettes, l’eau courante (la pression demande de l’electricité), plus de recharge pour les ordis, appareils photos, téléphone, VHF… Nous avons continué la navigation jusqu’au petit matin dépités… Clémentine devait être dans 2 jours à Bimini son vol booké pour le retour, un ami d’Alex arrive demain à Bimini aussi…et on se voyait coincé ici pour une semaine à vivre à la Robinson Crusoé…
Au matin Fred et Alex démonte l’alternateur et filent avec Clémentine essayer de trouver un réparateur sur l’île quasi déserte. Ils reviennent 4 heures plus tard avec
Je n’en crois pas mes oreilles! Alex me dit « on replace l’alternateur et dans une heure on est parti! ».
Ils ont trouvé un mec sur place qui les a amené à un garagiste soudeur, en 3 heures le travail était fini (au Marin en Martinique y’a deux mois d’attente pour un rdv avec un soudeur!), pendant ce temps le mec les a amenés dans plein de magasins acheter filtres etc. A 12 heures nous crions victoire tout est réparé!!!!! Nous n’en revenons pas de notre bonne étoile!!!!!!
Et heureusement que Fred était là car seuls avec Alex on se serait bien galéré pour enlever et remettre l’alternateur…
Fred a parcouru le monde, vu naitre un cachalot, descendu dans un sous marin à plus de mille mètres de profondeur et vu des créatures dont on ignorait l’existence! Il nous raconte ses rencontres avec Jacques Mayol et autres expériences crépitantes…Clémentine s’extasie pour tout, elle saute tout le temps, est pétillante de vie, toujours de bonne humeur et reconnaissante pour chaque minute de bonheur. C’est l’amie dont tout le monde rêve, positive, délirante, le genre qui tire vers le haut à chaque instant. Elle parle si bien anglais que tout le monde la prend pour une américaine!