Tahanea, île déserte des Tuamotu

 

 

 

Mai 2023

 

Notre départ pour les Tuamotu a été quelque peu perturbé. Nous étions partis pour deux jours et deux nuits de navigation mais à peine une heure après notre départ, nos nouvelles batteries ont littéralement explosé! Alex était en train de réparer notre pilote automatique qui ne fonctionnait plus et il entendait des « clacs », il pensait qu’une de nos portes claquait avec la gite du bateau.

 

Mais assez vite il réalise que les batteries sont en surchauffe et que le bruit vient de là. Il éteint immédiatement le moteur et met en off tout le système électrique. Mais elles sont tellement chaudes qu’elles continuent de claquer, en fait, elles explosent de l’intérieur et finiront par éclater! Alex se tient prés avec nos extincteurs tout en sachant qu’un feu de batterie Lithium est un des incendies les plus difficiles à éteindre!

 

 

 

 

 

 

Immédiatement nous faisons demi-tour en essayant de joindre l’électricien mais nous sommes en plein week end! Une très forte odeur se répand dans le bateau et nous n’en menons pas large! Les deux électriciens finissent par être joignables et se débrouillent pour venir à bord à peine nous avons ancré le bateau de nouveau. Le mouillage est tendu, il ne faut pas se louper car sans batterie nous n’avons pas de guindeau pour remonter l’ancre! Nous n’avons droit qu’à un seul essai!

 

Je me suis projetée vivre à bord sans batterie le temps de la réparation, ça veut dire: pas de frigo (alors que nous avons fait le plein de produits frais!), pas d’ordi, pas de chasse d’eau…!!!!! En effet c’est un système électrique qui n’a rien à voir avec le fait de rajouter de l’eau pour chasser celle présente, autrement dit, nos toilettes sont inutilisables…!

Nous hallucinons devant la réactivité des électriciens qui en plus nous amènent des batteries de secours en attendant de poser des nouvelles batteries lithium qu’heureusement ils ont en stock. Sinon le temps de les commander, il fallait compter plusieurs semaines…

Ils sont nos sauveurs! Le lundi matin tout est parfaitement réparé! Nous supposons que la surchauffe venait d’un dysfonctionnement d’un des régulateurs de charge mais aussi d’un des fusibles, une question de double malchance.

 

Cela ne retarde notre départ que d’une semaine seulement, puisqu’une nouvelle bonne fenêtre météo s’ouvre à nous pour partir vers l’est des Tuamotu. Il s’avèrera que ce sera la dernière fenêtre météo avant longtemps car le mara’amu (vent d’est) va s’installer pour toute la saison par la suite! Nous serons vent de travers toute la navigation ce qui est absolument idéal et nous avançons vite! Seulement il ne faut pas arriver trop tôt car nous devons traverser la passe de l’atoll de Tahanea aux alentours de mardi midi, quand le courant est rentrant, pour cela nous ne devons pas dépasser une vitesse de 6 noeuds et nous devons rentrer notre voile d’avant pour ralentir, ce qui psychologiquement n’est pas simple car arriver plus vite que prévu est normalement un énorme soulagement!

 

 

 

 

 

 

 

Si toutes les conditions sont bonnes, la navigation reste très éprouvante, mal au dos, fatigue, chaleur…Alex est particulièrement stressé car nous n’avons pas fait de longues navigations depuis longtemps et nous avons enchainé les problèmes à bord. Il est en alerte permanente, mange trois fois rien et a bien du mal à dormir. J’essaie d’être la plus aidante et rassurante possible mais tout ce que je fais n’est jamais bien. Dès que je prends des décisions pour le soulager, je suis en fait un problème en plus. J’avoue que je ne suis pas très douée en navigation, voir carrément nulle et il ne peut pas trop compter sur moi, il gère beaucoup de choses tout seul. Je me vexe de ne jamais être à la hauteur et lui est conscient de ne pas toujours mettre les formes tant il est stressé. Nous arrivons épuisés physiquement mais aussi psychologiquement.

 

 

 

 

 

 

 

Un des moments inoubliables de cette traversée durera quelques secondes: pendant mon quart de nuit, je vois des centaines de petits losanges bioluminescents qui s’éclairent à mesure que le bateau passe au milieu d’eux! J’en déduirais qu’il s’agit d’un immense banc de petits calmars bioluminescents!

 

Il ne l’avouera jamais mais Alex est un excellent marin, il a l’intelligence et le bon sens nécessaire pour prendre les bonnes décisions. Nous traversons la passe à 11h20 et cela sera parfait! Nous mouillons correctement en une seule fois ce qui est fortement notable et nous sautons à l’eau!

 

 

 

 

Pour préserver le corail, il est indispensable de placer des bouées pour faire flotter la chaine.

 
 
 
 

 

Nous sommes prêts à conquérir le monde sous marin!

 
 
 
 

 

Nous sommes éblouis par ce que nous voyons: déjà une visibilité de plus de 30 mètres, des coraux d’une splendeur absolue, par leurs formes, leurs diversités et leurs couleurs. De très nombreux poissons dont certains assez rares, plusieurs espèces de requins, des raies manta… mais ce qui nous surprend le plus, c’est leur comportement: ils ne sont pas du tout peureux, ils sont même curieux et s’approchent facilement. Ils nous renvoient une belle image de l’être humain, autre que celle d’un prédateur ou d’un perturbateur.

Peu de poissons sont chassés ici car ils ont pour la plupart, la ciguatera, ils sont contaminés par une micro-algue qui peut être très toxique pour l’homme. Mais surtout, nous remarquons que nos îles coup de coeur (l’atoll de Toau, Makatea et maintenant Tahanea) sont toutes des îles uniquement accessibles en bateau, sans aéroport, sans touriste et avec peu voir pas d’habitants. L’ impact de l’homme y est minime et la nature luxuriante.

 

 

 

 

 

 

 

En face de notre mouillage, 4 polynésiens vivent pour un mois dans une sorte d’abris à la Robinson Crusoe fait de taule ondulée; Ils s’éclairent le soir d’une énorme ampoule grâce à un générateur. Ils passent leur journée à pêcher grâce à leurs deux petits bateaux. Sinon nous sommes clairement sur une île déserte, coupés de tout, vivant d’amour et d’eau fraîche. Pour être tout à fait honnêtes, nous vivons surtout grâce aux courses Carrefour et au stock de gazole qui recharge nos batteries, merci station Mobil!

 

 

 

 

 

Nous faisons souvent des petites balades à terre.

 

 

 

 

Ce que vous ne voyez pas sur ces magnifiques images, ce sont les centaines de nonos, redoutables petits insectes, qui se ruent sur nous non stop et nous couvrent de milliers de piqûres qui aujourd’hui nous grattent encore!

 
 
 

 

 

 

Tous les matins, nous allons nager, repérer des lieux où faire de belles images, après le déjeuner et la sieste, nous tournons des séquences dans ces endroits idylliques pour des futurs projets, à l’heure où la lumière est la plus belle. 

 

 

 

 

 

 

 

Puis, quand le soleil se couche, je fais danse ou barre au sol pendant qu’Alex bricole. 

 

 

 

 

 

Alex et ses doigts de fée recousent notre housse de dinghy! 

 
 
 
 
 

Et le soir nous dinons devant un des nombreux films que nous avons sur disque dur. Bien souvent nous nous écroulons de sommeil avant la fin et devons le regarder en deux fois! Nous avons quelques nouvelles de nos proches grâce à l’iridium qui nous permet d’envoyer et de recevoir des messages texte par satellite. Mais nous sommes complètement coupés du monde, dans notre bulle paradisiaque, vivant des journées de rêves, comme un aboutissement de toutes ces années passées sur un voilier pour accéder à des lieux comme celui-ci.

 

 

 

 

 

Une fois par mois, la lune se lève pile quand le soleil se couche, spectacle que nous ne loupons sous aucun prétexte!

 
 
 
 

 

 

 

Nous explorons les différentes passes de l’atoll, si certaines semblent désertes de vie, nous avons quand même la surprise d’y croiser un dauphin! Nous l’entendons siffler et j’ai à peine le temps de dire à Alex « tu entends??? » qu’il passe furtivement devant nous et s’éloigne aussi vite qu’il est arrivé! 

 

 

 

 

Dans une autre passe beaucoup plus riche en vie, nous avons la chance de voir régulièrement des raies manta! 

 
 
 
 

 

 

 

Mais ce que nous préférons par dessus tout, ce sont les multitudes de poissons qui gravitent autour des patates de corail, seuls ou en groupe, ultra dessinés, maquillés et colorés ou plus simples mais toujours curieux. Je ne cesse de fondre devant leurs petits yeux qu’ils orientent vers nous comme ceux d’un caméléon sans pour autant sembler trop perturbés. Quelle chance nous avons de croiser autant d’espèces, aussi belles, aussi surprenantes…

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons une énorme journée orageuse qui nous permet de remplir nos cuves à nouveau! Nous en profitons pour laver tout le bateau à l’eau douce, extérieur comme intérieur! L’eau douce est si rare dans les Tuamotu, nous savourons une fois de plus notre chance!

 

 

 

 

 

Nous ne sommes pas peu fiers de notre petit potager à bord!

 
 
 

Mais deux drames viennent perturber notre doux quotidien: Alex réalise qu’il n’est plus capable de lire sans ses lunettes! Nous savons que nous ne sommes plus tout jeune, mais de là à avoir un pied dans la vieillesse! 

 

 

 

 

 

 

 

Deuxième drame: notre stock de papier toilette fond comme neige au soleil! Les feuilles sont très fines et déjà que je suis une grande utilisatrice, là il me faut la moitié du rouleau pour le moindre pipi! Aurons-nous assez de papier jusqu’aux prochaines courses? Le suspens est insoutenable!

 

Car nous comptons bien rester longtemps ici! Tout est idéal dans cet atoll, il y a toujours un mouillage protecteur peu importe d’où le vent vient, nous sommes tout prés de la passe en dinghy ce qui n’est pas toujours le cas et ce sont les plus belles plongées, sur terre comme en mer tout est magnifique!

 

 

 

 

 

Après la pluie, le temps est absolument idéal pour faire des beaux plans sous l’eau: pas l’ombre d’un nuage et vent très faible! Nous en profitons pour tourner les matins et après-midis. Mais j'enchaîne des longues apnées poumons vides pour ne pas flotter et Alex doit gérer la prise de vue avec son caisson tout en gardant notre dinghy à la main qui se fait emporter par le courant plus vite que nous! Ou sinon pour les plans fixes il doit se trainer une ceinture de plomb de 8 kilos! C’est très physique et nous sommes épuisés! C’est que nous ne sommes plus tout jeunes!!!!

 

 

 

 

<

 

 

Le vent se lève à nouveau et nous filons vers le sud de l’île dans un mouillage bien abrité! J’ai interdiction absolue de filmer pendant la navigation car nous devons rester concentrés sur les éventuelles patates de corail à éviter.

 

 

 

 

 

 

 

Soit disant « pas grand chose à voir sous l’eau ». Il y a beaucoup de sable mais parsemé de patates de corail véritable îlot de vie…Et l’eau est si claire, nous trouvons l’endroit tellement photogénique! Nous qui pensions être un peu en vacances!

 

 

 

 

 

 

 

Depuis quelques jours, après la couture, le dessin, la sculpture et la peinture, Alex s’est trouvé une nouvelle passion: la noix de coco! Le défi du jour est d’aller en trouver sur l’île, ni trop jeune, ni trop vieille. Puis il passe un temps fou à la décortiquer, récupérer l’eau de coco, couper la chair. Cela semble être une source d’épanouissement presque équivalente à la fabrication de portes monnaie en carton de jus d’ananas.

 

 

 

 

 

 

 

Si nos journées sont idylliques, Alex ne cesse de faire des cauchemars atroces, toutes les nuits… Diatomée s’échoue sur un banc de sable, dans le canal de l’Ourcq ou encore à Londres! À chaque fois il fait tout ce qu’il peut pour le sauver mais en vain… Et moi je refais encore ce sempiternel rêve que je fais depuis si longtemps: mes deux lapines que j’ai tant aimées, Tinley et Tiuccia, ne sont en fait pas mortes et je réalise que depuis tout ce temps je ne m’en suis pas du tout occupée …#culpabilité.

 

 

 

 

 

 

 

Nous allons passer encore les mois qui viennent que tous les deux, ensemble H24, avec une vie sociale proche du néant. Pour l’instant nous le vivons très bien, nous avons le temps de travailler sur un gros projet et cela nous réjouit. Nous trouvons un bon équilibre entre nos activités personnelles et celles que nous aimons partager. Et nous pouvons aussi communiquer avec nos proches via la messagerie satellite et cela est aussi une vraie bouffée d’oxygène!

 

 

 

 

 

 

 

Nous prévoyons une journée pique nique sur un motu: nage, repas, sieste, lecture, balade… Mais au bout de 30 mn Alex tourne en rond, des bêtes le piquent, il n’en peut plus du soleil et rentre au bateau pour venir me rechercher plus tard!

 

 

 

 

 

Sur un motu un peu éloigné, nous avons la chance d’apercevoir le lieu de nidification du fou brun!

 
 
 
 

 

 

 

Nous sommes rarement seuls au mouillage, nous sommes même plutôt nombreux, parfois jusqu’à 13 bateaux! Très peu de français mais des finlandais, allemands, suisses, anglais… La plupart viennent juste de traverser le Pacifique et viennent des Marquises ou des Gambiers.

 

 

 

 

 

Les rémoras aiment trop rester sous Diatomée! Nous en avons parfois jusqu’à 10 sous le bateau!

 
 
 
 

Pour finir en beauté, après quelques jours à porter ses lunettes pour lire, la vue d’Alex s’est amélioré et il arrive de nouveau à lire sans! Et nous avons retrouvé un énorme stock de papier toilette dans la chambre débarras au fond du bateau!

 

Passés l’euphorie d’arriver dans ce nouvel endroit, l’enthousiasme de tourner plein d’images, au bout de trois semaines nos journées s’essoufflent un peu et le temps commence à paraitre un peu long. Nous souhaiterions changer d’île mais la météo ne le permet pas et ce, pendant peut être encore longtemps. Nous sommes loin d’être malheureux mais nous vivons la situation avec moins d’engouement, nous avons hâte de retrouver un peu de civilisation, de découvrir d’autres endroits. Loin de toute possibilité de faire les courses, nous mangeons aussi différemment: un plat qui nous fait habituellement deux repas doit nous faire trois repas. Nous ne nous reservons pas. Nous nous restreignons aussi sur les gâteaux ou autres céréales, ce qui est sûr c’est que nous ne prenons pas de poids! Par contre nous mangeons de la noix de coco matin, midi et soir! Heureusement c’est nourrissant. Nous avions fait énormément de courses mais elles doivent durer encore pour deux mois car si nous allons trouver des petites épiceries, il n’y aura pas grand chose à part des chips et du coca…

 

 

 

 

 

Petit déjeuner: pain maison, beurre et coco. Apéro: coco trempée dans de la sauce soja salée!

 

 

 

Ce petit arrière goût de confinement est suspendu lorsque nous allons nager ou nous promener sur les motu…

 

 

 

 

 

 

 

Mais le vent semble s’améliorer et nous allons pouvoir changer de mouillage. J’insiste un peu pour partir au plus tôt mais Alex n’est pas rassuré à cause du vent. Il cède un peu sous ma pression. L’ambiance est tendue et le stress à son maximum pour Alex lorsque nous relevons l’ancre. Il y a de nombreux bateaux autour de nous et beaucoup de vent. Comme il faut enlever chaque bouée, remonter la chaine prend du temps et il faut bien faire attention de ne pas déraper sur les autres. Nous nous en sortons pas si mal malgré des grosses gouttes de sueur. Pour la navigation dans le lagon, je suis scrupuleusement la même route qu’à l’aller pour être certaine d’éviter les patates de corail. Nous allons au dernier mouillage à faire sur cette île que nous ne connaissons pas encore même s’il n’est pas très bien protégé, le vent devrait baisser les jours à venir. Il se situe à côté d’une petite passe tout prés d’un magnifique jardin de corail parait-il. Effectivement, à peine l’ancre posée, nous sautons dans l’eau découvrir cette merveille, j’en ai le souffle coupé! Les plus beaux poissons, parfois rares, sont tous présents et le corail s’étend dans des formes arrondies qui donne une vraie douceur à l’ensemble.

 

Mais un événement qui aurait pu être vraiment dramatique vient finaliser cette journée. L’après-midi, nous décidons de prendre le dinghy pour aller nager vers un des motu un peu plus loin. En chemin Alex remarque que je n’ai pas pris mes palmes et n’est pas très content car nous allons prés de la passe et que le courant est sortant. Je ne prends mes palmes qu’en cas de fort courant car je préfère nettement nager sans, mais je n’avais pas compris que nous irions si prés de la passe. Une fois de plus je n’en fais qu’à ma tête et cela l’énerve mais il capitule. Il en a marre de faire le gendarme et considère que je suis une grande fille. Sauf que non en fait je n’ai jamais vraiment grandi… Je n’ai pas trop la notion du danger et il doit l’avoir pour deux ce qui est un stress permanent pour lui. Pourtant j’essaie vraiment de m’améliorer et de partager au maximum ses inquiétudes (les rafales la nuit, la chaine prise dans les patates, la météo à venir…). Depuis notre arrivée, il me répète souvent de faire très attention car ce n’est pas le moment de se blesser, loin de toute possibilité d’être soignés, nous désinfectons la moindre plaie 3 fois par jour!

 

Nous ancrons le dinghy prés du motu derrière une sorte de récif à fleur d’eau qui semble nous protéger de la passe. Nous nageons en direction de la passe et je m’attends à tomber sur ce récif qui nous fera faire demi-tour avant de tomber sur la passe sauf que le récif ne va pas jusqu’au motu. Le courant commence à s’accélérer et nous pousser vers la passe, Alex me dit de ne pas tarder à faire demi-tour mais en quelques mètres le courant s’est très fortement accéléré et j’ai à peine le temps de faire demi-tour que je me fais complètement emportée! Je nage à fond direction le dinghy. En vain. Je ne fais que reculer. Je comprends vite mon triste sort.

 

 

 

 

 

 

Alex a réussi à ne pas se faire prendre dans le courant, grâce à ses palmes mais aussi car il est dans une zone où il est moins fort. Le courant accélère très fort et d’un coup à cause de la forme en entonnoir entre le motu et le récif à fleur d’eau. Par un immense miracle, un bâton est planté dans le corail et sort de l’eau à la verticale. Je le repère au loin et je me dis « celui-là, il faut pas que je le loupe sinon je suis éjectée direct en plein océan Pacifique »… J’arrive à m’accrocher au bâton. Alex réussi à se mettre un peu sur le côté où il a pied et me voit de loin accrochée au bâton.

 

 

 

 

 

 

 

Il me dit d’aller sur le motu: c’est strictement impossible, si je lâche le bâton je pars à toute vitesse dans le courant et rejoindre le rivage me semble vraiment difficile, de plus ce n’est que du corail à fleur d’eau. Je lui demande d’aller chercher le dinghy pour me récupérer. Il n’entend rien et nage vers moi: là c’est la panique totale car à son niveau il ne sais pas à quel point le courant est fort, je lui fais des grand signe « NON », de ne surtout pas venir me rejoindre car même avec ses palmes il ne pourra jamais remonter le courant. Heureusement il comprend et retourne vers le dinghy qui n’est pas tout prés. Il me dira plus tard avoir nagé encore plus vite que pour le défi Monté Cristo (course de nage à Marseille où nous avons échangé notre premier baiser :-)).

 

Moi j’attend patiemment accrochée à mon bâton. J’ai peur qu’il lâche alors j’essaie d’être la plus fluide possible. Le courant me masse tout le corps. J’ai la poitrine au niveau du nombril et mon slip au niveau des genoux! Je regarde les poissons qui remontent le courant sans aucune difficulté. Je commence à trembler de froid et ma mâchoire broie l’embout de mon tuba. D’où je suis je ne peux pas voir le dinghy . Je pense à Alex qui doit être mort d’inquiétude. Il sait très bien le sort qui m’attend si je lâche le bâton. Je suis bonne nageuse mais nous avons entendu beaucoup d’histoires de personnes jamais retrouvées car elles avaient plongé dans la passe au mauvais moment. Certains s’en sortent mais beaucoup ne sont jamais retrouvés. Je n’ai pas peur, comme si de toute façon, il ne pouvait rien m’arriver. Toujours cette petite pensée au fond de moi,  complètement infondée  « ça n’arrive qu’aux autres ».

 

J’attends patiemment Alex. D’un coup je l’aperçois sur le dinghy, je lui fais des grands signes pour le rassurer et qu’il sache que le bâton a bien tenu. Juste derrière moi un énorme mascaret du courant sortant (plein de vaguelettes en surface un peu comme un torrent après des fortes pluies), à ma gauche le motu et le corail à fleur d’eau où il ne faut pas que le dinghy se fasse projeter. À ma droite, assez de fond pour que notre hélice ne touche pas le corail partout. Alex arrive vers moi, il fait demi-tour juste avant le mascaret mais a bien du mal à me rejoindre tellement le courant est fort. Sous l’eau je vois l’hélice tourner à fond la caisse.

 

 Il n’ose pas s’approcher trop de peur de m’éclater contre le corail et le dinghy avec. Je lui hurle «Lance moi un bout!». Il le lance mais il ne faut pas qu’il se prenne dans l’hélice. Je n’arrive pas à l’attraper. C’est la merde. Je relève la tête et là le dinghy est tout prés! Je peux m’accrocher à la racine du bout et je chope une poignée qu’il y a sur les boudins. En gros je suis accrochée au boudin du dinghy comme un koala à son arbre. J’ai les jambes toutes recroquevillées de peur qu’elles ne se fassent broyer par l’hélice. Je ne peux évidemment pas remonter à bord ça prendrai trop de temps, le courant est trop fort. Alex met les gaz à fond et nous avançons tout doucement. Nous estimons le courant dans l’eau à 13 noeuds, car normalement, le moteur à fond, nous avançons à 15 noeuds. Il ne s’agit pas d’être en panne d’essence! 

 

Je suis inquiète quand j’aperçois juste à coté de nous le bâton auquel je me suis attachée: nous avons à peine avancé de quelques mètres et je m’accroche fort fort en espérant qu’on sorte de ce cauchemar au plus vite. Alex gère grave la conduite du dinghy. Ça me parait une éternité. Je finis par ne plus avoir de force à rester recroquevillée sous le dinghy, un de mes bras finit par lâcher. Le courant est moins fort, Alex m’aide à remonter car je n’ai plus aucune force. Je suis frigorifiée et complètement sous le choc. Nous rentrons immédiatement à bord. Je ne sais pas si Alex m’a sauvé la vie, si ce bâton m’a sauvé la vie, car juste après, dans la passe, nous remarquons une petite plage que j’aurais peut-être aussi pu rejoindre à la nage. Mais une fois dans l’océan, je pense que ce n’est pas si simple de revenir sur la terre ferme… Alex n’aurait rien pu faire car sortir de la passe avec le dinghy l’aurait mis en danger lui aussi. 

 

Depuis notre retour en Polynésie en avril, nous avons vécu plusieurs situations qui auraient pu avoir des conséquences catastrophiques et où nous nous en sortons à chaque fois sans aucune égratignure… Je ne peux pas m'empêcher de penser que nos deux papas dans le ciel y sont peut être pour quelque chose…

 

Nous mettrons du temps à nous remettre de cet événement. Dès le lendemain nous changeons de mouillage car les vagues nous rendent malades et suite à cette mésaventure, nous n’avons pas envie de rester là. Nous retournons à notre tout premier mouillage prés de la belle passe avec les poissons et les raies manta.

 

 

 

 

 

 

 

 

Après cet incident, nous devrions savourer à quel point la vie est précieuse et profiter de chaque instant…Et bien pas du tout! Nous sommes complètement déprimés! Les journées se suivent et se ressemblent trop. Une quinzaine de bateaux vient s’installer autour de nous, dans une zone de mouillage beaucoup moins étendue que la précédente, nous nous sentons envahis! Ce sont principalement des américains avec plein d’enfants qui hurlent dès 6 heures du matin jusqu’au soir! Et nous cherchons à faire des images avec les raies Manta, nous passons chaque jour plusieurs heures dans l’eau à les chercher et à se cailler sans ramener aucune image: elles ne sont pas là. Cela nous décourage et ne fait que retarder notre départ vers une autre île.

 

Le moral revient lorsqu’enfin, une après-midi, nous pouvons approcher deux raies tout en douceur et faire les images tant attendues. Mais pour une belle séquence il faudrait encore deux ou trois cessions comme celle-ci.

Nous avons par la suite 3 jours sans vent que nous savourons! Le vent qui souffle en permanence est très bruyant dans l’éolienne et très fatiguant au quotidien. Et un autre immense bonheur vient nous rebooster encore plus: une nuit de grosse pluie remplit à nouveau nos cuves qui avaient bien baissé!!!! Cela est un grand soulagement car manquer d’eau pourrait nous obliger à rentrer plus tôt que prévu… La pluie ramènent toujours beaucoup de plancton et les raies manta seront en grand nombre dans la passe! Nous arrivons à faire d’autres images avec elles! Elles sont si belles! Tellement énormes et d’une grâce infinie! Elles nous éblouissent! Elles sont rarement interactives mais certaines sont moins fuyantes que d’autres, juste indifférentes. Les raies sont de manière générale moins curieuses que les requins.

 

 

 

 

 

 

 

 

La famille polynésienne qui vit sur le motu d’en face nous offre gracieusement des firi firi ( des beignets )! Cela nous touche beaucoup! Nous les croisons tous les jours sur l’eau, ils pêchent non stop durant plus d’un mois, principalement des loches marbrées (des mérous), ces poissons que nous aimons tant observer. À chaque fois, ils nous montrent fièrement leur butin du jour en ouvrant une énorme caisse remplie de poissons morts tout en ayant une loche agonisante au bout de leur fil de pêche. Ils sont tellement gentils que je fais comme si de rien était alors que je suis au bout de ma vie. Je sais que c’est une pêche très sélective mais en un mois, ils nous disent avoir pêché plus d’une tonne de loches! Qu’ils vont revendre aux restaurants de Tahiti. Nous n’avons aucune idée de leur impact sur les poissons, est ce qu’ils pêchent 1 tonne sur 30 tonnes? Ou sur 5 tonnes présentes dans le lagon? Ce qui est sûr c’est que ces mérous vont se reproduire dans une semaine et en pêcher autant juste avant leur saison de reproduction ne me semble pas très judicieux. Cela n’empêche pas ces pêcheurs d’être adorables, ils nous disent préférer observer les tortues et les raies manta plutôt que de les pêcher. 

 

 

 

 

Une vingtaine de loches marbrées se cachent sur cette photo!

 

 

<

Et Alex leur demande un poisson grillé, ils lui offriront 3 poissons et 2 langoustes grillés. Il est ravi et se régale. J’essaie de me mettre à sa place: comme si on m’offrait une galette des rois au praliné, je serais aux anges!!! En échange, il leur donne des bouts, bien utiles pour amarrer leurs bateaux.

 

 

 

 

 

 

 

Nous avions entendu dire qu’il y avait de nombreux oiseaux à Tahanea, et les locaux nous informent de la présence d’un motu où ils nichent! Difficile d’y aller avec Diatomée, mais avec notre dinghy cela semble possible, mais la distance à parcourir consommera beaucoup d’essence! Nous pourrons nous ravitailler sur Fakarava, notre prochaine destination dans quelques jours. Nous décidons d’y aller. Alex est hyper stressé: si le moteur tombe en panne, la VHF ne fonctionne pas à cette distance. Nous partons avec l’iridium, une grande quantité d’eau et plein d’outils pour réparer le moteur.

 

 

 

 

 

Nous retrouvons notre chouchou: le boobie! Ce fou brun semble nicher à terre.Nous restons bien à distance pour ne pas l’effrayer.

 

 

Nous étions déjà allés sur le motu aux oiseaux de Tikehau, c’est une toute petite île où ils nichent tous les uns sur les autres, l’odeur est assez remarquable! La nouveauté ici c’est que ce sont principalement des frégates! Nous n’avions jamais vu de bébé frégate! C’est un très bel oiseau souvent très admiré, mais en réalité c’est une vraie teigne!

 Il passe son temps à piquer le poisson qu’ont pêché les autres oiseaux car lui même ne peut se mouiller les ailes! Il arrive à pêcher parfois en trempant juste son bec dans l’eau. Mais la plupart du temps il attaque tous les autres jusqu’à ce qu’ils lâchent leur butin! À chaque fois ça nous fait trop de la peine pour les oiseaux plus petits qui doivent céder leur nourriture au plus fort.

 

 

 

 

Petit bébé frégate.

 

 

 

Moyen bébé frégate.

 

 

 

 

Grand bébé frégate.

 

 

 

 

Les plumes brunes du boobie commencent à apparaître !

 

 

 

 

 

 

Nous reconnaissons le catamaran Sealegacy de Paul Nicklen, un des plus grand photographe de National Geographic et nous allons voir son équipage. 

Ils sont sur cette île qui est un parc national pour quantifier un peu les poissons et comparer avec les autres atolls aux alentours qui ne sont pas protégés. Ils nous déconseillent d’aller à Fakarava cette semaine car ce sera la reproduction des mérous et donc blindé de monde. Des plongeurs du monde entier viennent pour voir ce spectacle. Mais nous avons trop envie de bouger, et peut-être même d’assister aussi à ce spectacle des mérous, il est temps de mettre les voiles! Il nous tarde aussi d’enfin pouvoir laver notre linge, trouver une petite épicerie et se reconnecter à internet!

Nous serons restés sur cette île un peu plus de 5 semaines en tout!!!

 

 

 

 

 

 

 

À suivre…  

 

 

 

 

 

Version imprimable | Plan du site
© La Route Salée