Moorea/Makatea

 

 

 

 

Août  2022

 

 De retour à Moorea, nous retrouvons Diatomée superbement entretenu par Baptiste avec tous nos bouts rangés en escargot! Nous avons égoïstement envie de nous retrouver tous les deux après trois semaines de vie en communauté, Baptiste va donc dormir sur le bateau voisin dont le propriétaire n’est autre que son copain de lycée!

 

 

 

 

 

 

 

  Nous sommes trop fiers de nous faire recenser depuis notre petit dinghy! Être nomades entraine parfois la peur de ne plus exister pour la société…

 

 

 Nous restons quelques jours à Moorea pour préparer notre virée dans les Tuamotu. En particulier pour faire le plein d’eau et de fruits et légumes car là bas ils n’ont rien et sont peu ravitaillés.

Nous sommes contents de reprendre notre rythme à deux et notre hygiène de vie car la baisse d’activité physique et les resto/frites se font bien sentir! Tous les jours nous nageons une heure, et le soir, footing dans la montagne sur la route des ananas (c’est pas un peu la classe de courir sur la route des ananas?).

 

 

 

 

 

 

 

 Il va beaucoup pleuvoir durant ces quelques jours et cela remplit bien nos cuves ce qui nous évite multiples allers/retours avec les bidons. Mais la pluie s’accompagne d’un vent glacé qui vient d’Antarctique et une nuit, les rafales vont jusqu’à 80 km/h! Alex est sans cesse sur le qui-vive. À 6h20 il me réveille en me disant qu’un voilier est en train de dériver et qu’il a besoin de moi pour le sauver.

 

Il dérive lentement en direction de la passe et le catamaran derrière l’observe, les pare battages à la main en cas de collision.

À l’intérieur du lagon les vagues sont bien grosses, le vent très très fort et la pluie froide fouette le visage. Le voilier a quasiment traversé la moitié de la baie poussé par le vent et au moment où nous l’approchons avec notre dinghy, l’annexe de l’immense yacht Arctic (qu’Alex adore et espionne aux jumelles) est là aussi! Heureusement car sans eux, nous n’aurions pas pu faire grand chose…

Alex monte à bord du voilier tant bien que mal au milieu de la pluie diluvienne et des forts remous , il n’y a personne à bord. Les autres tentent de ramener le bateau avec leur gros Zodiac. 

Alex essai de mettre plus de chaine, d’allumer le moteur, rien ne fonctionne.

 

 

 

 

 

 

Pendant ce temps là je conduis notre petit dinghy et je dois faire face à des très grosses vagues qui me rabattent complètement sur le côté, je me fais emporter et j’ai bien du mal à revenir, surtout que je ne vois rien du tout avec la pluie dans les yeux. Je me surprends plusieurs fois à crier « maman! !!! », quand le bateau tombe à pic après une grosse vague, comme si elle y pouvait quelque chose…

 

J’ai l’impression que cela dure une éternité, je comprends finalement qu’ils essaient d’accrocher le voilier derrière Arctic, mission accomplie! Du coup nous espérons grave qu’ils nous invitent à bord de l’immense yacht prendre un café et un bon bain chaud… Que nenni, nous rentrons frigorifiés, enfilons bonnets et chaussettes polaires et c’est tout.

 

Alex prévient sur le groupe Facebook « French Poly Cruisers » de l’incident pour prévenir les propriétaires. Ceux-ci sont vite retrouvés et voici le message qu’ils laissent:

 

 

 

 

 

 

 

Je suis estomaquée! Nous on voulait notre heure de gloire, une bonne bouteille de vin, une multitude de félicitations, un minimum quoi! Même pas de message privé de remerciement, rien…alors que nous avons sauvé leur navire d’un naufrage certain.

 

Deux jours après, grosses rafales, ce même voilier dérape à nouveau et d’autres plaisanciers l’amènent au quai des pêcheurs… Et nous apprenons que quelques jours avant notre sauvetage, il avait aussi dérapé!!!!

Nous comprenons que ça doit sans doute leur faire trop cher en bouteilles de vin!!!! Mais ils ont quand même la décence d’aller mouiller ailleurs! En fait ils n’ont que 30 mètres de chaîne ce qui est très peu pour la baie de Cook qui a une profondeur de 20 mètres!

 

Mais bon, j’ai tout filmé et j’ai envie de leur envoyer la vidéo qu’ils se rendent compte de la galère que ça a été de récupérer leur bateau!

 

Il fait tellement froid que Fanny du Ma’a dans le bocal ne peut plus vendre son huile de coco en vrac car elle est toute figée!!!

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous trouvons le temps de passer une soirée chez Nicky et Fabien de « Mana’hau boat » que nous avions adorés! Nous avions fait une sortie en mer avec eux et comme nous, ce sont des passionnés. Nous parlons principalement de baleines et de l’ignorance de la plupart des plaisanciers sur les règles d’approche de ces animaux. Et souvent, si un voilier se comporte mal, comme c’est souvent le cas, tous les voiliers sont montrés du doigt.

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons pile poil le temps de faire la formation avec Charlotte de l'association « Océania » pour notre mission avec eux en octobre: comment récupérer le squame des baleines afin d'analyser l’ADN? Cela permet de savoir qui est la mère de qui? le cousin du fils ? et l’oncle de la tante?!!!

 

Charlotte nous explique aussi qu’il y a particulièrement beaucoup de baleines cette année. La dernière fois c’était en 2015, et cela fonctionne souvent par cycle. Cela fait donc 7 ans, et sans que nous sachions pourquoi, elles viennent de nouveau en masse en Polynésie.

 

 

 

 

 

 Notre ami Baptiste, photographe sous-marin fait quelques clichés de nous car nous en avons très peu.

 

 

 

 

 

 

 

Du coup je pose davantage pour Baptiste pendant qu’Alex fait un peu semblant de me photographier, sauf qu’il prend quand même des photos sans trop y croire mais nous sommes agréablement surpris du résultat:

 

 

 

 

 

Moorea photographiée par le cosmonaute Sergueï Korsakov. La baie de Cook est celle de droite (en haut à gauche). Vous pouvez bien voir le fort courant qui sort des passes et comprendre pourquoi nous serrons les fesses pour entrer dans les lagons où le moteur doit vraiment avoir de la puissance et ne surtout pas tomber en panne!

 

 

 

La météo n’est pas idéale pour naviguer mais si nous attendons les meilleures conditions cela retarde d’une semaine notre départ pour les Tuamotu. Du coup nous partons quand même malgré ce qui est prévu: nuit noire car c’est pile la nouvelle lune, nombreux grains, changements de vents…

 

Et bien durant cette navigation fort sympathique , nous aurons nuit noire, grains sur grains et une alternance de pétole/rafales… C’est un cauchemar!

Il pleuvra toute la nuit non stop et on alterne nos quarts gelés avec nos habits trempés, impossible de voir quoique ce soit, du coup nous naviguons le nez collé à l’électronique qui nous dit d’où vient le vent, sa force et nous orientons notre trajet en fonction. Comme lire ou regarder les écrans cela me rend inévitablement malade et me fait vomir que de la bile car j’ai l’estomac vide. À cela s’ajoute un énorme stress: notre pilote principal ne fonctionne pas, le 2ème prend le relai mais il vide nos batteries en un rien de temps. Ce qui, provoque des « BIP BIP » alarmant bien stressants. Le moteur fait un bruit complètement anormal, la pression d’huile semble être beaucoup trop haute. Nous n’arrêtons pas de nous casser la gueule! Tout est mouillé et glisse à l’intérieur: je glisse du canapé à la table sur les fesses comme au ski! Puis dans le couloir étroit je suis projetée sur le côté pile au niveau de l’ouverture de la porte et je m’affale contre l’armoire! Alex a les mains en feu et les genoux en compote…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous naviguons une journée et une nuit, et au lieu d’arriver à 6 heures du matin, nous arrivons à 11 heures à cause du manque de vent et du problème moteur. Nous avons consommé le 1/4 du gasoil prévu pour tout notre séjour dans les Tuamotu. C’est beaucoup.

 

 

 

 

 

La nature offre toujours une lueur d’espoir…

 

 

L’île de Makatea est particulière, c’est un atoll surélevé qui forme un vaste plateau bordé de falaises de 80 m de haut. Du coup, il n’y a pas de lagon et aucun endroit pour poser l’encre. Mais il y a 4 bouées pour les bateaux. Sauf que si il y a déjà 4 bateaux, on est reparti pour plusieurs heures de navigation en direction de la prochaine île…

 

Dans un état de fatigue incommensurable, nous guettons notre arrivée aux jumelles…Combien de bateaux sont présents? Combien reste t’il de bouée? Parfois deux bateaux se mettent sur une même bouée mais le notre est beaucoup trop lourd pour cela.

 

Ouf! Il n’y a que trois bateaux! Nous cherchons la quatrième bouée et ne la trouvons pas. Certains corps-morts à force de houle et de remous coulent et ne sont plus visibles en surface…Le stress commence à monter jusqu’à ce qu’un magnifique danois sorte torse nu sur le pont de son catamaran et nous indique où se trouve la dernière bouée, la seule et l’ultime, celle qui nous attend: très proche du récif.

 

La manoeuvre pour la prendre est extrêmement complexe: pas trop de moteur pour pouvoir attraper la bouée, assez quand même pour pas se faire projeter contre le récif… Nous nous en sortons comme des chefs et franchement, le vent et la houle nous positionne tout prés du corail comme jamais nous l’avions été! C’est presque un miracle vu la taille et le fort tirant d’eau de Diatomée!

 

 

 

 

 

 

 

Nous pouvons admirer le cadre. À couper le souffle. Nous savons pourquoi on en chie. Après une énorme sieste nous allons vite voir sous l’eau! Le récif est ouvert sur le large: toute sorte d’espèces pélagiques (du large) peuvent surgir à tout moment: requins, baleines, gros poissons!

 

Nous entendons une baleine mâle chanteur et nous trouvons nez à nez avec un énorme barracuda ! Nous croisons deux requins pointes blanches et un immense banc de poissons…

 

 

 

 

 

 

 Petit point noir: il y a beaucoup d’acanthasters, les étoiles de mer dévoreuses de corail qui font pas mal de dégâts…

 

 

 

 

 

 

Petite balade à terre qui nous enchante! Encore une fois ce lieu nous parait irréel…

 

 

 

 

 

Le première nuit nous entendons une sorte de crépitement. Un peu comme de l’eau qui coule. Nous ouvrons immédiatement toutes les cales et collons l’oreille pour savoir d’où ça vient… Aucune fuite, et le bruit semble venir de partout…! Mais sur un bateau le moindre bruit anormal nous met immédiatement en alerte et c’est une grande source de stress! Au bout d’un moment nous finissons par comprendre…c’est le bruit du corail qui crépite et qui résonne dans la coque! Ce bruit stressant devient alors source de beaux rêves!

 

Nous allons visiter l’intérieur de l’île. Nous sommes chaleureusement accueillis par un chat adorable!   

 

 

 

 

 

Notre guide privé, Julien Mai, sera le maire de l’île, rien que ça! 

 

 

Il explique longuement l’histoire tragique de Makatea qui a été en plein essor au début des années 1900 pour l’exploitation des gisements de phosphates. En effet le plateau correspond à la cuvette comblée de l’ancien lagon où se sont accumulées d’importantes quantités de phosphates (très bon engrais).

Cela crée de nombreux emplois, 3000 habitants peuplent l’île, il y a même deux cinémas, des commerces, des écoles, un réseau de chemins de fer…

 

 

 

 

 

 L’homme transforme l’île en gruyère.

 

 

 

Puis c’est l’heure des essais nucléaires. La main d’oeuvre des chinois qui travaillaient à Makatea est appelée ailleurs. Et tout s’arrête du jour au lendemain transformant la cité minière en ville fantôme. Selon les guides touristiques, il n’y avait plus de Phosphate. Selon le maire, ce n’était pas le cas.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’hôpital, la boucherie, la boulangerie, les maisons sont laissés à l’abandon et sont aujourd'hui recouverts par la nature

 

 

 

 

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Les arbres poussent dans le corail! Puisque c’est le lagon qui est remonté à la surface.

 

 

Il ne reste que 104 habitants. Leur espoir est maintenant l’éco tourisme puisque des voies d’escalade ont été installées sur les falaises (par des amis d’Alex!) et cela semble attirer les amateurs de sports outdoor.

 

Voilà l’histoire. Sauf que le maire nous assomme de dates historiques, de récits économiques, de détails interminables et nous nous donnons des coups de coudes pour ne pas piquer du nez. Il est en boucle sur son peuple. Mais moi je rêve qu’il me parle des crabes de cocotier, des baleines, des oiseaux… Dès que je pose des questions sur les animaux, il me répond par « oui » ou « non »…

Par contre nous savons que sur les 104 habitants, il y a eu 103 votes pour Macron et un bulletin blanc!

 

Il nous conduit vers des points de vue magnifiques:

 

 

 

L’inévitable photo de Diatomée vu d’en haut! 

 

 

 

La maison de Robinson Crusoé version luxe!

 
 
 
 

 

 

 

Et il nous emmène dans un des plus beaux lieu de l’île: la grotte d’eau douce, profonde de plus de 600 mètres! Nous y nageons avec des lampes torches c’est incroyable!

 

 

 

 

 

 

 

 Nous terminons par un repas chez lui! La cuisinière était en panique totale de concocter un repas végétarien. « le poisson, tu manges le poisson? » « et le hachis? Tu manges le hachis? ». Elle me fera finalement une délicieuse omelette!

 

 

 

 

 

 

 

Nous finissons la journée par une balade au bord des falaises avec le chat du port qui ne nous quitte pas d’une semelle! Et des sauts de baleines assez proches du récif! De nombreux souffles, elles sont bien présentes! L’équipage d’un catamaran les aurait entendu dormir près de leur mouillage mais elles sont parties dès qu’ils les ont éclairées…

 

 

 

 

 

Pas évident de sortir son appareil pile au bon moment, heureusement, les baleines sautent souvent plusieurs fois! Où est Charlie???

 
 
 
 

 

Il se repose car ça fait une sacrée trotte!

 
 
 
 

 

Le rêve de tout escaladeur, car la roche est d’une qualité incroyable!

 

 

 

Nous avons la chance de voir un mâle chanteur (nous supposons) passer tout prés du bateau à peine nous rentrons de baignade! Mais il nage vite et s’éloigne en un éclair!

 

Le soir même, tranquillement installés dans notre lit, nous entendons un énorme souffle! Nous nous précipitons dehors sans rien allumer mais la nuit est bien noire et nous ne voyons rien! Nous entendons comme un sifflement, puis un autre souffle (après plusieurs minutes d’attention intense!). Nous avions déjà entendu les souffles des dauphins depuis notre cabine (au Belize), mais jamais celui d’une baleine! Cela nous réjouit!!!

 

Si nous nous endormons aux bruit du souffle des baleines, nous nous réveillons avec un tout autre bruit! CCCHHHHRRRRRR!!!!!! 6 heures, marée basse, notre safran est en train de toucher le corail… Nous sautons du lit, allumons le moteur et marche avant! La barre tourne toute seule avec le safran qui va et vient avec les vagues sur le corail… Nous rattachons l’arrière du bateau avec des chaines posées sur le récif pour qu’il ne bouge plus de son axe. Puis nous prendrons une autre bouée plus safe au départ d’un autre bateau.

 

Deux catamarans de charter attendront qu’une place se libère, parfois en restant toute une nuit un peu plus au large…!!!! 

 

 

 

 

 

 

 

Nous passons toute une matinée en compagnie de Tapu, le fils du maire, qui nous emmène faire de l’escalade! Ce sont des voies accessibles au débutant mais quand même les parois sont bien trop verticales à mon goût! J’avais déjà eu une crise de panique en haut de la Sagrada Familia barcelonaise, provoquant un embouteillage monstrueux dans les escaliers et je sais que si je décide de ne plus avoir le vertige, de prendre sur moi, je n’ai plus le vertige! Ça doit pas être un vrai vertige…!!! 

 

 

 

 

 

 

Mais je m’étonne moi-même d’enchainer les voies et de pouvoir assurer Alex! Je n’en avais fait qu’une seule fois en salle, et Alex est un ancien bon escaladeur, ils monte les voies d’une telle rapidité que j’ai peu de temps pour me reposer puisque nous alternons…Et puis moi je prends mon temps pour savoir où poser le pied, la main et du coup c’est beaucoup plus physique!

 

 

 

Voici notre terrain de jeu vu d’en haut. Nous y passons plusieurs heures… Moi je suis quand même contente quand ça s’arrête! 

 

 

 
 

 

 

 

 Mais les défis sportifs ne sont pas terminés, direction la via ferrata. Je ne connaissais pas ce type de randonnée à flanc de falaise, que l’on pratique toujours attachés aux roches équipées d’éléments métalliques. Avec bien sûr casque et baudrier! 

 

 

 

 

 

 

 

Durant le parcours, nous traverserons le vide à trois reprises en mode funambule! Si Alex n’en mène pas large, moi je trouve que c’est le lieu adéquat pour faire ma danse! 

 

 

 

 

 

 

Nous sommes enchantés de ces nouvelles sensations! Et quel plaisir de se retrouver dans cette nature si inaccessible avec un cadre incroyable!

 

Nous demandons à Tapu de nous ramener dans la grotte car nous voulons essayer de faire quelques photos… 

 

 

 

 

 

 

 

L’ambiance de cette séance photo est incroyable, nos chuchotements résonnent et se fondent dans le bruit des gouttes d’eau qui tombent, nous bougeons au ralenti pour garder la surface de l’eau lisse pour un effet miroir, et ce calme accentue le respect que ce lieu impose.

 

Pour terminer la journée « sortie zone de confort », nous allons prendre l’apéro sur le bateau des danois, ce qui veut dire pour moi: devoir converser en anglais avec 6 inconnus. Inutile de préciser que je suis plus à l’aise au dessus du vide!!!!

 

 

 

 

 

 

 

Ils connaissent très bien les autres amis danois que nous avions rencontrés au Panama et qui étaient tous aussi beaux les uns que les autres. Et ils avaient du coup déjà entendu parler de  nous!

 

Il est temps de repartir direction Tikehau, un atoll des Tuamotu, en prenant bien soin de compacter au maximum nos déchets car nous pourrons déposer nos poubelles au compte-gouttes.

 

 

 

 

 

 

 

 À suivre…

 

 

 

 

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