Les Marquises

 

 

 

Avril 2021 

 

Après 28 jours de mer nous désinvestissons complètement le bateau et passons tout notre temps à terre sur l’île de Nuku Hiva! Nous mangeons midi et soir dans les quatre différents restaurants de la baie de Taihoae, entre le snack du quai sans toilette et le relais et château ! Nous nous reconnectons au monde petit à petit avec le wifi, et dans la baie nous retrouvons des connaissances de la marina Shelter Bay au Panama.

 

 

 

 

 Un chaton passe de genoux en genoux dans la très bonne pizzeria de l’île!

 
 
 
 

Les bonnes habitudes se retrouvent très vite!

 
 
 

 

 

L’excitation des premiers jours redescend à mesure que la fatigue arrive. Je me sens vidée, épuisée et particulièrement asociable. Je relâche tout ce que j’ai du tenir durant la traversée. Mais Guillaume et Cédric n’ont qu’une semaine pour visiter  les Marquises et pourtant, nous perdons un temps fou à organiser le programme. Nous réalisons que faire plusieurs îles en bateau est impossible, notamment aller à Hiva Oa, l’île de Paul Gaughin et Jacques Brel. 24 heures de navigation face au vent, cela ne fait envie à aucun de nous! Nous décidons d’y aller en avion et réservons les billets. Mais c’est très compliqué de dormir sur place et de louer une voiture, tout est déjà complet ou fermé à cause du covid. Nous annulons, et décidons d’aller sur l’île de Ua Pou en bateau à la place. Puis finalement non, ça va être trop court. Les garçons ont envie de bien visiter Nuku Hiva plutôt que courir d’îles en îles à la va vite. Ils auront raison, Nuku Hiva est absolument magnifique! 

 

 

 

(c) Cédric Palerme

 

 

 

Méditations sur tant de chemin parcouru depuis le Panama…

 
 
 

 

 

Nous commençons par des petites balades tout autour de la baie, et découvrons le mode de vie des marquisiens. Ici ils sont particulièrement civilisés avec plusieurs petites épiceries,  c’est l’une des îles principales des Marquises. Je suis déroutée par leur tutoiement,  ils ne connaissent pas le vouvoiement « tu veux quoi madame? »! Nous louons une voiture et visitons les terres et les différentes baies.  L’île est peuplée de cochons, chevaux, chèvres et poules sauvages! Une ferme géante! Les petits villages que nous traversons sont extrêmement bien entretenus, pas un papier par terre et les jardins sont somptueux! Les marquisiens sont de vrais horticulteurs. La finesse de leur jardin se retrouve aussi dans leur art, ils sculptent principalement animaux marins  et Tiki dans le bois ou la pierre volcanique avec grande précision et souvent de manière très épurée.

 

 

 

Cocoteraie géante!

 
 
 
 

Guillaume fait le portrait de Norberto, tatoueur, agriculteur, chasseur sous-marin et sculpteur! Ici les chaussettes sont portées hautes pour éviter les piqûres des nonos qui grattent pendant plus d’une semaine! 

 
 
 

Le banian peut mesurer jusqu’à 30 mètres. Ses racines aériennes écrasées permettent d’obtenir un tissu végétal nommé « Tapa ».

 

 

 

Nous passons notre première nuit à terre dans la baie d’Anaho au nord de l’île, accessible seulement en bateau ou à 1h30 de marche. Nous optons pour la marche pour retrouver quelques muscles! Malgré l’inaccessibilité aux voitures, quelques habitants ont décidé de construire leur maison ici, dont notre petite pension chaleureusement accueillante! Le lit a tangué pour nous 4!  Et surtout, aucune pollution lumineuse. Un générateur fournit de l’électricité entre 18 et 20h mais après extinction des feux! Et cette nuit là, la lune n’était pas visible. Dans la chambre il fait noir noir. C’est à dire que je ne voyais aucune différence avec ou sans masque sur les yeux! Aucune petite lueur… une première pour moi! Nous nageons au milieu des coraux qui bordent le sable blanc, la visibilité n’est pas optimale mais nous avons tous les quatre un plaisir fou à observer la vie sous marine.  

 

 

 

Première nuit à terre. (c) Guillaume Néry pour « one Day one picture »

 
 
 

Nous marchons jusqu’à la baie voisine (la baie Haatuatua) qui nous éblouit de beauté.

 
 
 

 

Dans la baie principale nommée Taihoae, nous sympathisons avec Jonathan, Lucie et leur bébé Orion de l’association  « les ateliers embarqués ». Ils accueillent sur leur grand catamaran des groupes pendant plusieurs semaines pour des stages de clown, danse, écriture et bientôt de photographie sous-marine avec Alex! Guillaume accepte de parrainer leur association, d’autant plus que Jonathan a un lien très particulier avec l’apnée puisque c’est le premier bébé né sous la mer assisté de … Jacques Mayol!!!!! Incroyable!!!

 

 

 

 

 

Ils sont ici depuis plusieurs semaines et sont plein de bons conseils pour toutes les îles. Nous allons avec eux nager avec les nombreuses raies manta souvent présentes à l’autre bout de la baie. Orion, presque un an, nous attend sagement dans le dinghy puis se baigne à son tour. Il suit ses parents partout sans jamais chouiner!

 

Les raies sont nombreuses et se nourrissent en tournant autour de nous dans l’eau sombre, cela est assez impressionnant! Pour ne pas risquer d’en toucher, je me recroqueville quand je suis au milieu d’elles!

 

 

 

(c) Guillaume Néry pour « one day one picture »

 
 
 

 

 

Il est temps pour Guillaume et Cédric de partir, ça va faire bizarre de retourner sur Diatomée tout vide et en même temps, j’ai hâte de me retrouver en amoureuse avec Alex. Eux ont hâtes de retrouver un grand lit! Ils vont passer quelques jours à Mooréa avant de repartir pour Nice. Les au revoir se font dans le speed du taxi qui attend et de l’avion à prendre, pas trop le temps pour les larmes… Ce seront les rares personnes qui auront vu les pires versions de nous mêmes. Car durant une traversée, nous perdons davantage patience, sommes plus vite saoulés, malades, amorphes, pas coiffés, nous partageons une intimité H24 dans des conditions déstabilisantes.

 

 

 

Dernière soirée… 

 
 
 

 

 

Nous prenons 2 nuits à l’hôtel pour se retrouver un peu, Alex est complètement HS. Aucun de nos deux moteurs d’annexe ne fonctionne et nous devons tout faire à la rame. Nous avons une des places les plus éloignées du quai! Pendant une balade vers  la baie voisine prénommée Colette, un bébé chat sauvage accourt vers nous en sortant de la nature et réclame câlins et gratouillis, il se met à ronronner sans plus pouvoir s’arrêter! Je suis trop trop croque! Il nous suit comme un chien jusqu’à la plage. Et au moment de repartir nous sommes obligés de le laisser, il nous regarde partir en miaulant ce qui me broie le coeur…

 

 

 

 

 

Nous faisons une balade tout en haut de l’île, absolument incroyable entre des forêts de pins et les chevaux sauvages. Ce bain de nature nous fait un bien fou. Quand d’un coup, nous nous apercevons que tous les pins sont rangés en lignes parfaites…grosse déception, cette forêt est tout sauf naturelle! Nous apprendrons dans le carnet de bord de Cédric, que tous ces pins plantés n’ont pas pu donner la qualité de bois espérée et n’ont donc pas pu être exploités.

 

 

 

 

Au centre, l’Aranui vient chaque mois ravitailler l’île.

 
 
 

 

Nous disons au revoir à nos amis des ateliers embarqués et posons Diatomée dans une baie voisine beaucoup plus sauvage (Hakatea). Le mouillage est encore houleux alors qu’il est si bien protégé! 

 

Ici, les gens viennent faire une des plus belles balades de l’île, une marche dans la vallée qui longe une rivière pour arriver jusqu’à la 3ème plus haute cascade du monde. Après être allés sur la plage en paddle pour Alex, à la nage pour moi avec nos sacs étanches, nous prenons le sentier devant nous pour cette balade tant attendue. 

Nous montons de collines en collines, toujours plus haut en transpirant beaucoup. Il a plu toute la nuit et la boue nous fait souvent glisser, nous essayons de rester prudents.

 

 

 

 Direct nous sommes dans l’ambiance!

 
 
 

 

 

 Après deux heures de marche, le sentier s’arrête et nous arrivons tout en haut d’une colline avec un point de vue magnifique sur la vallée. Nous apercevons tout au loin au milieu des montagnes une vague cascade, il est clair que nous nous sommes trompés de sentier. Nous savourons le panorama en dégustant nos sandwichs au houmous quand, entre deux bêlements de chèvres sauvages, nous entendons d’énormes éboulis tomber dans la vallée. Alex est grave flippé et à peine la dernière bouchée avalée nous repartons aussi sec avant de se prendre des pierres sur la gueule. Parfois nous sommes accroupis pour minimiser le mal si nous glissons pour redescendre.

Le soir même, nos livres indiquent le départ de la balade vers la cascade depuis l’autre baie juxtaposée, nous y retournerons donc le lendemain.

 

 

 

 

 

Le départ à la nage se fait dans une eau sans aucune visibilité, je vois à peine mes mains, c’est pourquoi Alex préfère le paddle. Nous pénétrons alors dans la fameuse vallée, un mini village de 5 maisons est installé au creux des montagnes, les habitants cultivent fruits et légumes dans leurs jardins, vont pêcher en face de chez eux, chasser chèvres et cochons, ils semblent vivre presque en autonomie totale. Cela me fait beaucoup penser au mode de vie d’antan qui depuis le réchauffement climatique, l’élevage industriel et le Corona, font aujourd’hui rêver de nombreuses personnes. Vivre en autonomie, panneaux solaires et potagers… Il n’y a pas si longtemps les marquisiens étaient cannibales! Hormis cela, ils vivent dans une telle communion avec la nature que même moi qui ne suis pas fan de chasse et de pêche, je trouve cela complètement admirable. Tout est juste dans leur manière de vivre. Il n’y a pas de différence homme/animal. Et notre civilisation nous a tellement éloigné de cette nature avec le jambon sous plastique et le thon en boite que mon seul échappatoire face à ça, a été pour moi de devenir végétarienne. Mais tout autant que les autres, déconnectée de la nature. Mais pour être tout à fait honnête, même en étant née aux Marquises, être responsable de la mort d’un animal pour moi reste compliqué et ce n’est pas l’élevage industriel qui est la cause de mon régime alimentaire aujourd’hui.

Un gros panneau « ACCÈS INTERDIT » nous prévient de la dangerosité de s’enfoncer dans la vallée à cause des risques d’éboulis, les habitants nous disent aussi de faire très attention aux chutes de noix de coco (cela tue pas mal d’humains chaque année!). 

 

 

 

 

 

 

La balade est magnifique, elle suit un cours d’eau enfoncé au creux d’immenses montagnes, c’est Jurassic Park! Parfois nous devons traverser la rivière. J’enlève baskets et chaussettes à chaque fois en espérant qu’il n’y ait pas de sangsues. Nous traversons des immenses champs de manguiers avec que des fruits moisis écrasés sur le sol infestés de moucherons qui s’agitent d’autant plus à chacun de nos pas. Chaque traversée de rivières nous fait ralentir ce qui donne largement le temps à des dizaines de moustiques de nous attaquer. Enfin surtout moi, sans doute ne doivent-ils pas trop aimer s’entortiller dans les poils d’Alex! 

 

Nous nous perdons à deux reprises car le sentier est de plus en plus sauvages, nous remontons même la rivière en marchant avec de l’eau jusqu’aux cuisses, cette fois-ci je ne prends plus la peine d’enlever mes baskets au point où j’en suis! Après deux heures de marche bien humide, nous arrivons dans un immense champ où les fougères et autres plantes ont totalement recouvert le sentier, nous marchons un peu à l’aveugle. Nous apercevons un bout de cascade entre les falaises, mais pas entièrement . C’est très beau mais il faut admirer le paysage en gigotant car les moustiques se jettent sur nous affamés! 

 

 

 

 

 

 

Nous crevons la dalle et décidons de manger dans la rivière pour éviter les piqûres. Sauf que dans l’eau, ce ne sont pas les moustiques qui nous attaquent mais des crevettes! Elles nous pincent de partout!!!!! Comme nous sursautons ça fait plein de vase et nous ne les voyons plus! Je préfère les moustiques. 

 

 

 

 

 

Du coup nous mangeons sur un rocher au milieu de la rivière, une vingtaine de moustiques collés à nous. Mais nous avons trop faim! Nous ne pouvons pas laisser nos pieds dans l’eau sous peine de se faire attaquer par toutes les crevettes! Quand tout à coup, sous le rocher d’Alex surgit une anguille géante! Elle n’a pas du tout peur et vient vers nous, au début nous sommes plutôt émerveillés jusqu’à ce qu’elle commence à sortir de l’eau et attaquer Alex!!!! Nous n’en revenons pas! Heureusement elle ne peut sortir que sa tête mais nous mangeons recroquevillés sur notre rocher! Une salade dégueulasse en plus car ici avec la chaleur tout tourne hyper vite! Alex essaye de filmer l’anguille sous l’eau qui fonce sur la GoPro! C’est assez flippant!!! 

 

 

 

 

Ici l'anguille géante aux yeux bleus est un animal sacré, elle symbolise la déesse de la lune et certains la nourissent. Voilà pourquoi elle était collée à nous!

 

Nous ne nous attardons pas, j’ai des boutons absolument partout, plus d’une soixantaine… mais pour une fois je ne suis pas au bout de ma vie. Pourquoi? Parce que nous en sommes à la saison 3 du « bureau des légendes » où Mathieu Kassovitz est maintenu en otage par Daesh dans des conditions atroces et qu’en pensant à lui, nous relativisons tout!

 

 

 

 

 

 

Alex est complètement fasciné lorsque nous croisons les petites statues Tiki datant de plusieurs centaines d'années. Elles auraient d'étranges pouvoirs notamment de tuer ceux qui les touchent. Moi je vois surtout une pierre taillée recouverte de mousse représentant un mec méchant et je trouve ça plutôt très moche.

 

Au retour, nous passons devant un cheval attaché à un arbre et nous nous apercevons que sa corde est tout emmêlée à un tronc d’arbre mort. Nous nous approchons doucement et arrivons à le libérer sans qu’il semble avoir peur. Il se met à brouter mais pour passer,  je dois marcher derrière lui. Alex me dit de faire attention. J’ai toujours eu peur des chevaux depuis que petite, je me suis reçue un coup de patte arrière! Je prend donc de la marge pour avancer et une fois passée, je veux lui faire une petite caresse et blam! Coup de patte arrière dans le ventre! Heureusement il ne m’a pas fait mal, je suis juste boueuse de partout! 

 

A quelques mètres du village où la balade la plus wild que j’ai jamais faite allait enfin se terminer, nous devons traverser une zone marécageuse, je ne prends pas le même chemin qu’Alex et je me retrouve coincée par l’eau. Alex me dit de faire le tour mais comme je suis déjà trempée, je décide de traverser le marécage, un peu de boue en plus, ce n’est pas si grave. Et évidemment je m’enfonce dans les sables mouvants jusqu’aux genoux, jambe droite, puis jambe gauche…pas très fut fut la meuf! Je me sens un peu comme Artax d’une « histoire sans fin », le gentil cheval qui meurt aspiré par les sables mouvants devant les yeux impuissants de son maître, autre  traumatisme de mon enfance. Je contracte à fond les pieds pour être sûre qu’ils ressortent avec la chaussure dont la semelle était déjà décollée… Alex est affairé. Mais bon je me dépatouille! Ah c’est certain que ça change d’une après-midi shopping aux galeries Lafayette! 

 

 

 

 

 Mes chaussettes sont normalement gris clair!

 
 
 

 

 

Au retour 12 bébés chiots font la fête, chacun porte le nom d'un mois de l'année!

 

Nous discutons avec les locaux qui nous demandent comment  était la balade, j’ai envie de leur faire la tête de scream/émoticone de l’horreur/atrocité mais je réponds poliment « magnifique! ». Nous repartons chargés de pamplemousses, citrons et un régime de bananes généreusement offerts par les habitants, est ce que je dois en déduire que l’animal n’est pas si aimable alors que l’humain si?

Et bien quelques minutes plus tard, j’ai la réponse à ma question. Une habitante nous montre un autre chemin pour revenir sur la baie où nous attend Diatomée: il faut escalader une mini falaise boueuse, nous sommes  chargés de fruits comme des bourriquets, mais bon elle a marché 10 minutes pour nous montrer ce raccourci donc nous commençons l’escalade sans rechigner en la remerciant. Au moment de monter sur un énorme rocher, celui ci se casse la figure en emportant tous les rochers aux alentours avec lui, mais lui est stoppé par… ma jambe qui est bloquée sous lui. Je ne peux pas bouger car le rocher est très lourd. Alex vient à ma rescousse, nous restons très prudents craignants d’autres éboulis et nous arrivons à dégager ma jambe qui est légèrement ouverte au niveau du tibia. Rien de grave. Maintenant je me dis qu’il reste les requins à affronter pour aller jusqu’au bateau. Mais bon je ne peux pas les voir vu le peu de visibilité, et tout va bien qui finit bien, je n’en croiserai pas et je n’ai jamais été aussi contente de revenir au bateau! Je crois pas mal au karma et je me demande ce que j’ai bien pu faire pour traverser toutes ces épreuves…!

 

 

 

 

 

 

Chaque soir nous éteignons les feux à 22 heures et le matin, nous ne sommes jamais réveillés avant 8h30!! Je ne comprends pas pourquoi nous dormons autant. Mais depuis que nous avons Diatomée, c’est assez fréquent pour nous d’avoir régulièrement 9 heures de sommeil minimum!

 

 

 

 

 

 

Nous quittons l’île de Nuku Hiva direction Ua Pou pour 5 heures de navigation vent de travers. Comme c’était censé être une navigation plutôt facile, je n’ai pas pris mes cachets miracles et je ne desserre pas les dents durant tout le trajet. Je subis encore une fois ces longues heures en mer en me retenant de vomir. Cela me déprime de ne me sentir toujours pas amarinée après autant de temps en mer…

 

 

 

 

 

 

Le mouillage de la baie d’Hakahetau à Ua Pou est encore houleux. Nous allons vite sur terre mais il faut accoster sur une jetée abrupte de galets noirs avec des vagues puissantes qui remuent les pierres. Alex se débrouille avec le paddle, moi à la nage, c’est sportif et pas très accueillant!

 

 

 

 

Une petite balade offre un magnifique point de vue sur la baie (Diatomée se cache sur cette photo)

 

 

 
 

La baie des requins, toujours à Ua Pou.

 
 
 

 

 

 

 
Nous découvrons une magnifique cascade bien fraîche où l’on peut se baigner… Je revis! Pas de moustique, pas d’attaque d’anguilles, quelques crevettes qui nous laissent tranquilles.
 

Nous y retournerons dès le lendemain tellement nous avons adoré avant de faire une grande balade qui mène aux pics volcaniques. Mais comme nous ne sommes pas très matinal, nous nous mettons en marche à midi, en plein cagnard. J’ai alors des vertiges et l’impression de ne plus contrôler mes jambes qui avancent toutes seules. Je me sens comme envoutée! Je savais qu’il ne fallait pas penser de mal des Tikis!!! Je n’ai pas du tout la forme physique pour faire la balade, mon sang ne circule pas normalement… Nous irons juste visiter le célèbre chocolatier de l’île qui me dira « je t’ai déjà vu à Nuku Hiva! Je te reconnais grâce à ton nez! »… Ici, ils sont souvent « sans filtre »!!! Puis nous retournerons une troisième fois à la cascade! 

Le voici avec Alex:

 

 

 

 

Chaque voileux qui passe doit signer sur le plafond en toile cirée…à vous de trouver notre signature!

 
 
 

 

 

Depuis plusieurs jours, j’ai l’impression que ces îles m’assombrissent. J’ai souvent des pensées négatives. Ici tout est dur, la mer est sombre, chargée, sans visibilité, elle nous cache ses merveilles. Le paysage est sec et aride ou humide et dense, les pics des volcans dressés vers le ciel nous font nous sentir tout petits. Les plages sont noires et les mouillages houleux et venteux. Je suis toujours malade sur le bateau, il y a peu d’endroit où je me sens parfaitement bien. La plupart des gens sont accueillants, surtout ceux des vallées perdues. Ils nous donnent volontiers des fruits qu’ils cultivent en abondance. C’est un peuple marqué, imposant, corpulent, les hommes sont souvent tatoués de la tête au pied, les yeux défoncés par ce qu’ils fument, plus beaucoup de dents. 

Peut être que je projette mon asociabilité sur les restaurateurs mais pour le coup eux je ne les trouve pas accueillants. J’ai l’impression de les envahir, de les déranger (vu le grand nombre de bateaux je comprends…). Mais en fait je pense qu’ils sont juste un peu brut, sans filtre, et totalement indifférents. Pas spécialement bienveillants. Moi ça me bloque direct, trop sensible. Mais Alex lui ne remarque rien d’anormal, sa gentillesse et son ouverture les font dérider en quelques instant. Je l’admire et l’envie pour ça.  Ici les gens et la nature ont une telle personnalité que je me sens écrasée, comme si je trouvais pas trop ma place. Je me sens touriste qui vient profiter de cette beauté mais pas légitime de le faire. C’est très très puissant et un peu difficile à expliquer. Comme s’il fallait être armé pour affronter les Marquises, et qu’ à ce moment là, je ne l’étais pas. Avoir une bonne force physique et mentale,. Et j’ai l’injonction de profiter absolument de ces îles merveilleuses vu la vie parisienne déprimante, ce qui me met une pression supplémentaire.

 

 

 

 

 La seule photographie sous-marine que fera Alex est l’une de ses plus dark!

 
 
 

 

 

Nous prenons une décision qui malgré tout ne me convient pas: celle d’aller directement à Tahiti sans visiter les trois autres îles des Marquises: Hiva Oa, Tahuata et Fatu Hiva (connue pour la baie des vierges, un des plus beaux mouillages au monde). Le vent ne faiblit pas et pour y aller ce serait 24 heures face au vent, aucune fenêtre météo ne semble s’ouvrir à nous et nous sommes limités dans le temps. De plus, notre gréement est fragilisé par une petite pièce manquante que nous allons recevoir à Tahiti. Alex est beaucoup trop soucieux pour envisager un tel voyage. Moi j’ai une âme de collectionneuse: si je ne vois pas tout je ne suis pas satisfaite! Je me dis que peut être nous aurons le temps d’y retourner… Et puis pour aller à Tahiti c’est une semaine de navigation. Pour couper la traversée, nous prévoyons de nous arrêter au milieu, sur l’atoll de Toau, petit paradis au milieu du Pacifique…Je me réjouis de découvrir enfin un peu l’archipel des Tuamotus! Depuis le temps qu’Alex m’en parle! Cette fois-ci je prends mes cachets miracles et enfin, cette sensation d’écoeurement permanente disparait! Je suis par contre ensuquée mais cela m’est égal. Je ne me mets aucune pression pour avancer mes montages ou le carnet de bord, j’écoute surtout des podcasts. Pas de cuisine non plus, ça sera pâtes pendant 4 jours!

 

 

 

 

 Un groupe de dauphins vient jouer à l’étrave du bateau pour notre départ des Marquises, un banc de cette même espèce  (stenella attenuata) était déjà venu saluer notre arrivée trois semaines plus tôt! Plusieurs d’entre eux ont des blessures qui semblent récentes et qui ressemblent à des morsures du Cookiecutter Shark (« requin emporte-pièce »). Ce requin prélève avec sa mâchoire des cercles presque parfaits de chair fraiche!

 
 
 

 

 

Vers la fin de notre première journée de navigation, nous entendons un immense bruit : un fou brun est tombé dans notre jupe arrière, sur le dos, ailes écartées et pattes en l’air, il vient de se prendre notre éolienne… Elle peut tourner très vite et c’est extrêmement dangereux. Je pars chercher une caisse et une serviette pendant qu’Alex tente de récupérer l’oiseau. Il a un oeil fermé qui paraît amoché et semble tomber dans les vapes, il ne tient pas son cou et sa tête tombe en arrière. Il n’a pourtant pas de blessures ou de sang visibles. Je me sens trop responsable, nous, Diatomée, l’éolienne… Comment pourra t’il survivre à un choc pareil? Nous le posons dans la caisse et le recouvrons d’un tissu pour qu’il « dorme » et se remette du choc. Je me dis que la prochaine fois que je soulèverai le tissu, il y a de gros risques de le retrouver mort…

 

Sur une des îles panaméennes avec les copains d’Alex, nous avions sauvé un oiseau coincé à l’intérieur d’une bouée/pneu posée sur l’eau. Nous l’avions alors posé sur le sable pour qu’il reprenne des forces. Au retour de notre balade, l’oiseau grouillait de fourmis … Nous nous en étions voulu et n’aurions jamais du le laisser seul au sol.

 

 

 

 

 

 

 

Je soulève le drap…l’oiseau n’est pas encore mort, il se réveille, puis semble se rendormir encore sonné. Nous décidons de le laisser se reposer toute la nuit. Le lendemain matin, nous appelons une connaissance vétérinaire à Tahiti. La communication par satellite passe mal mais nous comprenons qu’il lui faudra au moins deux/trois jours de repos et il nous conseille de le forcer à manger. Alex part à la recherche d’un poisson volant sur notre pont, trouvé! Il le découpe en morceau et le présente à notre fou qui reste d’une indifférence totale. Alex lui ouvre le bec et le force à l’avaler. Le morceau semble être resté dans sa gorge et notre fou le régurgite quelques  minutes après!  Moi je ne suis pas trop pour le forcer à manger. C’est normal qu’il n’ait pas d’appétit et il peut survivre quelques jours sans manger! Nous décidons de l’appeler « Booby brown » (les fou en anglais se dit « booby »).

 

S’il essaye de nous pincer avec son bec dès que nous nous approchons, il se calme et s’apaise quand nous le caressons sur la tête. Cela l’aide à s’endormir. Nous passons de longs moments à le rassurer et lui parler doucement. À la fin du deuxième jour, nous le sortons sur le pont du cockpit pour qu’il puisse voir la mer et peut être tenter de s’envoler? Il se dégourdit les ailes, tend la droite, puis la gauche, et finit par étirer son cou en avant en tortillant ses fesses. Il commence à se toiletter ce qui est bon signe. Dès qu’il commence à s’endormir, nous le remettons dans sa caisse et il ne semble pas aimer ça! Il fait souvent caca et nous devons régulièrement changer les serviettes.

 

 

 

 

 

 

 

Le troisième jour, il se découvre tout seul du chiffon sur la tête. Il refuse le bébé poisson volant cramoisi par le soleil qui pourtant ressemble à une chips grillée. Depuis sa caisse, il peut apercevoir d’autres fous voler au dessus du bateau… sa réaction est étonnante! Il lève la tête et ne les quitte pas des yeux! Il semble reprendre du poil de la bête! Son oeil peut maintenant s’ouvrir normalement. Mais s’il ouvre ses ailes, il ne s’envole pas. Rien ne semble cassé mais en même temps nous n’y connaissons rien. De sa caisse posée au fond du cockpit, il saute en essayant de voler sur le banc. Puis du banc, sur le winch, en escaladant avec ses pattes!!! Puis du winch sur la manivelle de winch!!! Cela semble pour lui être la place la plus confortable même si la manivelle se balance en tourniquet! Heureusement que nous avions déjà pu observer deux fous se poser sur Diatomée pendant la transpacifique pour savoir que cet inconfort est…normal pour eux!

 

 

 

 

 

 

 

Booby brown s’endort sur la manivelle de winch! Nous devons le déplacer délicatement pour faire nos manoeuvres de voile! Lorsque je suis à la cuisine, j’entends Alex crier « il s’est envolé!!! ». Je cours dehors et aperçois Booby brown volant parfaitement et tournoyant autour de Diatomée! Je n’en reviens pas! Il a pu survivre à un tel choc! Quand je vois ses plumes encore collées à notre éolienne, j’ai bien du mal à y croire… Je suis tellement tellement heureuse pour lui! Quel oiseau impressionnant capable de survivre si loin des côtes… Je suis admirative!

 

Alex me fait trop rire dès qu’il communique à la VHF. Il parle toujours pendant des heures et raconte sa life sans que personne ne lui demande rien: (à un bateau de pêche) « Nous allons au Tuamotus avant d’aller à Tahiti, du coup vers le sud alors que vous allez au nord. Je vous souhaite une très bonne pêche. Et une bonne nuit. À vous, mais aussi à tout votre équipage! ». L’autre répond « ok merci ». J’adore trop! 

 

N’étant pas du tout malade, cette navigation me réconcilie avec les traversées. Pourtant il est difficile de rester éveillée lors des premiers quarts, cela va mieux dès la 3ème nuit mais ce sera la dernière! Nous traçons au moteur car il n’y a plus de vent et nous devons absolument arriver avant la nuit car il faut prendre une bouée pour le mouillage.

 

 

Nous arriverons juste avant le coucher du soleil, l’heure parfaite pour faire un plouf et découvrir les fonds coralliens qui nous entourent. Je suis estomaquée! Les patates de corail ont des formes d’une harmonie parfaite, elles sont posées à intervalles réguliers sur du sable d’un blanc écru somptueux, le nombre de poissons semble incalculable et illimité: mérous, poissons flutes, poissons papillons, chirurgiens, sergents major, murènes, raies, requins gris, requins pointes noires… Une seule fois dans ma vie j’ai vu un paysage d’une telle beauté sous-marine, c’était au Tobago Cays dans les Grenadines. Des patates de corail étaient entreposées sur du sable blanc formant un ensemble visuel proche de la perfection, mais cela ne s’étendait que sur une petite surface. Ici on dirait que tout le lagon est une perfection de la nature! Un seul mot me vient à l’esprit pour décrire cela : « Paradis »!

 

 

 

 

Des dizaines de poissons perroquets multicolores…

 
 
 

Chaque petit îlot s’appelle un « motu »

 
 
 

 

 

Le soir même, avec Alex nous prenons conscience qu’un de nos rêves est atteint. Se retrouver seuls dans cet endroit paradisiaque au milieu de la Polynésie française… Cela faisait pleinement partie de notre objectif quand nous avons eu Diatomée. Tout comme nager avec les requins baleines à Coiba, simplement par nous même. Je ne vais pas dire que c’est grâce à de nombreux sacrifices car ce serait absolument faux, c’est juste une immense satisfaction que de concrétiser un tel rêve. Cela nous rapproche encore davantage et nous sommes plus amoureux que jamais (violons/bisounours/arc en ciel coeur).

 

Nous passerons quatre jours dans cet atoll, le temps pour nous de réaliser à nouveau quelques clichés sous la surface:

 

 

 

 

Valse avec le requin…

 

 

Valse avec une centaine de bébés requins gris!

 
 
 

Le rémora est un poisson qui grâce à une ventouse sur sa tête, se colle aux gros animaux (requins/cétacés/tortues). Il voyage sans se fatiguer et profite du reste des repas!

 
 
 

Un rémora se cache sur cette photo…

 
 
 

Ici aussi...

 

 

 

 

Gaston et Valentine sont les deux seuls habitants de l’île. Durant la haute saison ils accueillent des touristes dans leur petite pension et font aussi restaurant. Nous demandons à Valentine si nous pouvons venir manger un soir, elle nous répond qu’elle est fatiguée et ne cuisine plus. Parfois elle doit nourrir une douzaine de personnes, entrée plat dessert. Je comprends et respecte son ras le bol! 

Nous les aidons à mettre leur nouveau bateau à l’eau, construit de leurs mains. C’est incroyable d’imaginer qu’ils aient pu construire ça sur une île déserte! Bon ils vont se ravitailler sur les atolls avoisinants, mais quand même… Nous leur offrons des bouteilles de rhum et des cordages. Ils nous inviteront finalement à manger! Prière et bénédiction avant le repas, je crois que je n’avais jamais vécu ça…!!! 

Ils nous prêtent leur kayak et nous présentent Momo, un mâle frégate qu’ils ont recueilli bébé et qui ne les quitte plus tout en continuant sa vie d’oiseau en construisant un nid avec sa femelle. Valentine nous explique que les frégates sont des oiseaux fidèles à vie. Mais elle a l’impression que cette année, la femelle est différente, c’est une nouvelle! Elle pense que l’autre s’est barrée car elle en avait marre de partager son compagnon avec ses parents humains! Comme une vision rédhibitoire de s’engager à vie avec un Tanguy…

 

 

 

 

 Malheureusement la cabine ne fonctionne plus mais longtemps elle leur a été très utile! Le seul problème: courir assez vite pour répondre à temps!!!

 
 
 

 

Les deux jours deux nuits de navigation pour retourner à Tahiti passent psychologiquement aussi vite que quatre heures de train! Notre cerveau intègre les temps de déplacements différemment sur un voilier. Nous sommes très attendus car trois personnes guettent notre arrivée! Ben, un photographe de surf, Florence, une amie fanfaronne d’Alex et Thomas qui tient un club de plongée et nous a réservé une bouée dans la marina de Taravao.

Notre arrivée ne passe pas inaperçue:

 

 

 

 

 

Grâce à thomas, nous avons une bouée tout prés de la marina, ce qui nous arrange vu que nous sommes toujours à la rame!

 En plus de nous emmener faire de l’apnée sur ses sorties plongées, Thomas nous aide aussi pour  laver le linge, faire les courses, le plein de gazole, trouver les mécaniciens et autres réparateurs pour les voiles et le gréement. Nous ne le connaissions que par les réseaux sociaux et sommes éblouis par son accueil!

 

 

Nous rendons aussi visite à Josiane qu’Alex n’a pas revu depuis 13 ans! Josiane a été sa nounou jusqu’à ses 6 ans, car il a grandi à Tahiti! Les retrouvailles sont émouvantes…

 

 Et enfin nous passons une journée avec la plus grande star des photographes de surf, Ben Thouard suivi par 250000 personnes sur Instagram!!!!

 

Nous allons laisser Diatomée un mois et demi au mouillage, le temps de revoir famille et amis en métropole. Les aventures reprendront dès le mois de Juillet! 

 

À suivre…

 

 

 

 

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