Octobre 2023
Pour accueillir l’association Océania, nous devons quitter Papeete et aller mouiller à la presqu’île de Tahiti où les baleines sont assez nombreuses.
La navigation commence calmement car nous sommes abrités du vent, regarder simplement le magnifique paysage me suffit à faire passer ses longues heures, je ne ressens nul besoin d’écouter des podcasts, la contemplation me nourrit. Mais la dernière ligne droite sera face à 30 noeuds de vent et là c’est très impressionnant, le bruit, la force du vent, les voiles qui tirent, le bateau qui gite, les vagues qui recouvrent le pont…Je me surprends même à avoir peur. Nous serrons les fesses pour ces deux dernières heures pénibles et heureusement Diatomée avance vraiment bien au prés serré.
Nous mouillons en face du petit village de Vairao. Rangements, cuisine et ménage précèdent l’arrivée de nos hôtes! Car le bateau est grand mais nous avons vite tendance à nous étaler, surtout dans les chambres « qui ne servent pas » qui deviennent des placards facile d’accès pour les vêtements trop propres pour être au sale, trop sales pour être dans le placard!
Contrairement à l’année dernière où seules des personnes de l’association étaient venues pour la mission, cette année il y aura seulement Marie Lou, la cheffe de mission et Genevieve, la maitre nageuse responsable des mises à l’eau. Les quatre autres volontaires seront cette fois-ci des passionnées des cétacés, sélectionnés sur lettres de motivation qui vont être formés pour cette mission avant de la mettre en pratique à bord. Cette expérience à la fois théorique et pratique sera payante pour aider aussi financièrement l’association. Océania a toujours eu à coeur d’inclure aussi les locaux et notamment les jeunes polynésiens, une place est donc offerte à bord pour partager cette expérience sur le terrain. Un étudiant sera sélectionné lui aussi pour sa motivation.
Six personnes vont donc venir vivre à bord durant 4 jours et Tearri, une jeune étudiante en science de la vie nous rejoindra pour les sorties en mer la journée. Sa famille habite à Vairao mais ils n’ont pas de bateau et ce sera pour elle une grande première d’aller au large!
Après avoir passé 3 jours de formation théorique à Moorea, l’équipe arrive en fin de journée sur la presqu’île pour être opérationnel dès le matin! Il n’y a que des filles! Chacune s’installe et essaie de se faire une petite place dans cet endroit restreint, surtout que Marie-Lou et Genevieve dormiront dans le carré.
Juliette et Pauline
Mélina et Inolla
Geneviève et Marie-Lou
Le lendemain, Alex va chercher Tearri et Genevieve doit préparer les filles aux mises à l’eau en plein océan et à l’apnée probable qu’elles vont devoir pratiquer pour aller chercher des squames parfois un peu profonds. Il faut que les oreilles passent!
T
Tearri rattrape son retard car elle n’a pas suivie la formation théorique.
Après une séance d’étirement et des exercices d’apnée autour du bateau, nous sommes prêts à aller en mer récupérer des données. Déjà trouver des baleines, c’est ce qui prend le plus de temps. Ensuite ne pas les perdre et s’approcher doucement (souvent plus d’une heure), les différents postes doivent être très réactifs! Tout d’abord, les « secrétaires » qui notent le suivi des individus, le point GPS, le comportement, le nombre…sur papier et tablette. Ensuite la photo identification, le poste le plus dur, car ce sont des informations cruciales pour identifier les animaux (photo de la nageoire caudale ou dorsale). C’est un poste difficile car le bateau bouge beaucoup, la houle cache les animaux, ils sont difficiles à voir à l’oeil nu alors dans un zoom très serré ils sont très faciles à perdre. Et tout le monde met la pression au photographe: « alors tu as eu la caudale??? », si ce n’est pas le cas il faut attendre encore de longues minutes que la baleine ressorte et veuille bien nous montrer à nouveau sa caudale ce qu’elle ne fait pas forcément.
Et enfin le poste « du squame » où il faut être prêt à sauter dans l’eau à tout moment pour ne pas perdre la trace de la baleine et aller dans son sillage récupérer ses morceaux de peau.
Marie Lou supervise tout le monde et chacun change régulièrement de poste.
Les premiers à aller à l’eau auront la chance d’apercevoir une mère et son baleineau sous la surface! La baleine se dirige ensuite droit vers Diatomée et passera juste en dessous! Difficile de savoir si c’est un hasard ou une volonté de sa part. Juliette, Tearri et Genevieve n’en reviennent pas! Pour Genevieve ce n’est pas nouveau puisqu’elle est guide sur des bateaux de whale watching et amène tous les jours des gens voir les baleines. Juliette a aussi déjà eu la chance d’en voir, mais Tearri qui vit auprès des baleines depuis son plus jeune âge n’avait jamais croisé le regard de cet animal fascinant! Tout le monde revient enchanté et avec du squame!
Sur les 3 jours en mer, nous récolterons en moyenne le squame d’un seul groupe d’individu chaque jour, c’est dire si ce n’est pas simple!
La majorité du temps nous les cherchons, Je ne sais pas si elles sont moins nombreuses que l’année dernière, mais elles sont très discrètes. Si la mer est moutonneuse il est difficile de les voir. Il y a aussi parfois beaucoup de vent qui chasse et efface très vite leur souffle qui nous permet normalement de les repérer de loin.
Parfois nous les trouvons puis les perdons, puis nous en retrouvons mais c’est sans doute les mêmes…difficile de savoir sur le moment! Et puis d’un coup c’est la fête des baleines! Il y en a partout, qui sautent au loin, qui jouent à 300 mètres, qui se déplacent à tribord… Là les secrétaires sont au taquet pour tout noter!!!!
Les mises à l’eau sont très sport, il faut palmer vite, regarder dessus, dessous et l’équipage sur le bateau qui nous aide à trouver le chemin de la baleine. Nous nous concentrons sur les squames mais bien sûr nous espérons tous aussi croiser la baleine! Cela n’est pas fréquent car aussi géantes soient-elles, c’est chercher une aiguille dans une botte de foin! Surtout avec les mâles chanteurs qui restent très longtemps sous l’eau contrairement au baleineau qui remonte respirer plus régulièrement.
L’hydrophone permet aussi d’enregistrer les chants, écouter les baleines sous l’eau est assez incroyable! Avec son haut-parleur, Marie-Lou nous permet de les entendre à bord. Mais pour que les scientifiques puissent vraiment exploiter cette donnée, il faudrait une heure d’enregistrement et ce n’est pas la priorité.
Tout en cherchant les animaux, nous admirons les sculpturales montagnes sauvages de la presqu’île de Tahiti.
Ces journées au vent et en plein soleil sont très fatigantes! Elles demandent beaucoup de concentration et comme nous avançons à très faible vitesse dans la houle cela nous rend vite tous un peu nauséeux…
Mais le soir le travail continue, il faut mettre à jour toutes les données, trier les innombrables photos prises en rafales et sélectionner les plus explicites. Les petits squames sont précieusement mis dans l’alcool à peine ils sont récupérés et ils seront envoyés en France dans un laboratoire qui mettra plus d’un an à donner les résultats de l’analyse génétique…
La fatigue se lit sur les visages!
Le deuxième jour nous devons rentrer plus tôt car à force de fonctionner à faible régime, le moteur s’encrasse et de la fumée noire ainsi que du cambouis s’évacuent anormalement…
Cela laisse du temps pour travailler!
Alex s’occupe de gérer les problèmes de moteur et de pompes, pendant que je m’avance en cuisine pour les prochains repas. Le geste est le même mais pas la finalité!
Tearri coiffe Genevieve à la polynésienne: cheveux tressés au monoï.
L’ambiance est un peu à la colonie de vacances!
Le dernier jour tout le monde reste bien motivé, chacun est de plus en plus familiarisé dans les différents postes. Certaines mises à l’eau sont des échecs cuisants, si la baleine se déplace doucement, elle ne perd pas forcément de squame… Parfois nous ramassons du squame que nous reconnaissons parfaitement, parfois c’est moins sûr… Notamment des micro morceaux blancs que nous soupçonnons être potentiellement de la peau d’un baleineau mais avec un grand point d’interrogation…
Vous ne voyez rien? Moi non plus!
Lors d’une mise à l’eau, nous arrivons à entrapercevoir la pectorale blanche du baleineau, mais avec sa mère ils restent à la limite de visibilité.
Voilà ce que nous voyons…
Une fois que nous avons toutes les données, nous continuons notre chemin pour trouver d’autres baleines. En fin de journée, sur le chemin du retour, avant de rentrer au mouillage définitivement, nous croisons à nouveau ces baleines qui étaient restées loin de nous. Marie-Lou propose que ceux qui veulent puissent se mettre à l’eau juste pour les observer, car finalement, peu ont eu la chance de les voir sous l’eau. La baleine semble en déplacement et ne voulaient pas trop nous voir la première fois, je n’y crois pas trop…
Geneviève tente une mise à l’eau et la plupart de nous l’accompagne. Nous nageons longuement et finissons par attendre dans l’eau, la baleine est-elle partie? Ou s’est-elle posée en profondeur pas très loin? Nous attendons.
D’un coup Geneviève l’aperçoit en surface derrière nous, pas si loin! Nous la suivons! Nous palmons bien groupées, assez vite mais sans éclaboussures. Puis Geneviève nous montre du doigt le fond de l’eau, elle aperçoit sans doute la mère ou le petit, moi, je ne vois rien du tout!!! Elle a vraiment l’oeil! Puis très vaguement une tache blanche apparait, toujours la pectorale du bébé qui a le corps tout noir et les pectorales blanches. Nous restons sans bouger et les baleines aussi restent au fond immobiles. Nous savons toutes qu’elles vont bientôt remonter respirer. Nous ne bougeons pas mais à l’intérieur le coeur bat fort et l’excitation est à son comble! Ça y est, les pectorales blanches deviennent de plus en plus nettes, le petit remonte droit sur nous, tout doucement, nous avons le temps de savourer chaque seconde, il nous scrute une à une puis tourne, juste en dessous sa mère le suit et vient respirer tout prés de nous. En deux coups de queue, elle disparait un peu plus loin, nous sommes émerveillés! Quelle chance nous avons eu! C’est tellement dur de les voir sous l’eau! Et cela est un beau cadeau que les baleines nous ont offert après ces 3 jours à les étudier…
Alex a passé un séjour de rêve entouré de sublimes déesses…
Après le départ de toute l’équipe, notre routine reprend son rythme , toujours avec beaucoup de natation. Un de nos parcours consiste à faire le tour de ses deux remontées de sable!
Pour notre projet vidéo, j’aurais souhaité avoir vraiment de belles images avec les baleines car ce que nous avons pu filmer à Moorea reste assez furtif. Elles sont juste là, tout prés, derrière le récif et j’ai bien envie d’essayer à nouveau de faire des plans. Alex n’est vraiment pas chaud et me convainc de ne pas y aller. Nous dénonçons sans cesse l’impact que nous avons en les approchant sous l’eau, quasiment à chaque fois il est clair que nous les dérangeons puisqu’elles finissent toujours par partir, se déplacer, même si ce n’est que de quelques mètres cela perturbe leur temps de repos, d’allaitement, sachant qu’elles jeunent depuis déjà plusieurs mois. Avec Océania la finalité de notre approche est toute autre que de réaliser des images et notre impact négatif est contrebalancé par toutes les données récoltées qui à long terme vont concrètement aider à les comprendre et à mieux les protéger.
Cela n’est pas facile à admettre, j’aimerai tellement qu’il en soit autrement, s’il n’y avait pas autant de bateaux de Whale Watching nous aurions moins de culpabilité à aller un peu « les embêter », mais en parlant avec tout ceux qui vont régulièrement voir les baleines, c’est une évidence que très peu ont envie de passer un moment avec nous. Un petit tour de curiosité puis elles disparaissent. Parfois oui, certaines semblent passer un bon moment en notre compagnie, mais soyons honnêtes, cela reste assez rare…
Nous faisons des nouvelles photos pour les magnifiques bijoux de Mélanie (@mikimikisalty) et avec Emmanuel son amoureux, ils viennent passer une journée à bord. Lui est moniteur de plongée et elle est très bonne nageuse, nous passons la matinée et l’après midi dans l’eau!
Nous trouvons des anguilles jardinières pas trop peureuses car elles vivent tout prés d’une remontée de sable (mini motu) qui attire de nombreux touristes, et elles semblent bien habituées à l’homme. Car lorsque nous avons essayer de les filmer à Tahanea, une fois l’appareil posé au sol, nous étions parti nager pour revenir 30 minutes plus tard le temps que ça tourne, et en regardant les images, pas une n’était ressortie de son trou!
Un gobie se cache sur cette photo! Et à ses côtés, le terrier méticuleusement construit avec des débris de corail où vivent deux crevettes!
PPour nous remercier de cette collaboration, elle nous crée des bijoux sur mesure! Je choisis ce magnifique bracelet baleine qui change de l’éternelle queue de baleine! Je le trouve magnifique! Elle va bientôt le mettre en vente sur son site mais pour l’instant je suis la seule et unique au monde à le porter :-)))
Ben Thouard et sa femme Domitille viennent aussi passer une soirée à bord! Lui continue de photographier la célèbre vague de Teahupoo (il habite juste en face) et elle fait beaucoup de danse classique, nous étions aller voir son gala en avril!
Nous louons une voiture pour faire courses et lessive bien éloignées de notre petit village, et en profitons pour passer une soirée avec Josiane et sa famille. (*Josiane a été la nounou d’Alex lorsque petit, il vivait à Tahiti).
Depuis le départ de l’équipe d’Océania, nous attendons une fenêtre météo pour monter jusqu’aux Marquises et y laisser le bateau pour l’hiver, à l’abris des cyclones. Car contrairement aux années précédentes dominées par le phénomène « la Niña », cette année et la suivante seront bien un épisode « el Niño ». Ce dernier se caractérise par des eaux de surface anormalement chaudes très propices à la formation des cyclones dans le Pacifique. Les Marquises, bien plus au nord, ne sont pas sur la trajectoire des potentiels cyclones. Et de nombreux voiliers vont aller s’abriter là bas le temps de la saison cyclonique, c’est à dire l’été en Polynésie.
Ayant déjà pris nos billets retour depuis les Marquises, nous avons trois semaines pour y arriver sachant que depuis Tahiti le temps de navigation correspond à une semaine, ce qui laisse peu de temps pour choper une fenêtre favorable. Le vent dominant est face à nous et tout changement aussi léger soit-il est peut être une opportunité de nous rapprocher des Marquises car le voyage est très long et ne peut se faire en une seule fois (les créneaux météo sont très courts et il faut souvent ne pas les louper pour s’avancer dès que nous le pouvons).
Nous prévoyons de faire cette traversée en deux fois, avec une première escale à Fakarava qui est déjà bien à l’est. Le vent semble changer et venir davantage du nord, à cela s’accompagne souvent des grains et de la pluie mais nous n’aurons pas mieux. Nous attendons une super équipière qui vient nous aider pour cette première partie de traversée: Louise, notre nouvelle amie amoureuse des océans, tout récemment installée à Moorea et très bonne navigatrice.
Cela est un énorme soulagement pour Alex, qui a perdu confiance en lui et au bateau. Louise semble très enthousiaste pour cette traversée, cela me dépasse complètement! Les traversées se résument à de longues heures interminables ou tu ne peux rien faire d’autre que d’être (mal) assis, écouter des podcasts ou de la musique, très peu dormir, être malmené par la mer, sans arrêt balloté, sans appétit, rester des heures mouillé sous la pluie ou en plein cagnard, subir le temps qui passe. Je compare souvent cela à être coincé dans un embouteillage, niveau confort de vie c’est à peu prés équivalent. Donc Louise est à fond pour rester coincée dans les embouteillages deux jours et deux nuits avec nous! Bon ok, j’avoue, il y a la beauté de l’océan, des nuages, des étoiles et les couleurs incroyables du soleil.
Nous partons en fin de matinée et dès la sortie de la passe, nous voyons plusieurs baleines dont un baleineau qui ne cesse de sauter en suivant le bateau! Sa mère finit par faire comme lui mais davantage comme un dauphin, elle semble jouer dans les immenses vagues formées par la houle! Cela nous réjouit car le baleineau ne s’arrête jamais! Je ne peux m’empêcher de prendre cela comme un remerciement de ne plus être aller les embêter , décision pas facile à prendre, en tout cas pour moi.
La forte houle au départ de Tahiti rendra Louise malade, nous attendons d’être au large pour trouver enfin le vent du nord, mettre la voile avant et arrêter le moteur. Mais les heures passent et le vent reste toujours de face. Heureusement il est très faible et les conditions de navigation ne sont pas désagréables, mais nous ne sommes qu’au moteur. Être à trois pour les quarts de nuit est un vrai confort puisque cela nous permet chacun de dormir 4 heures d’affilées! Avec une sieste en journée nous avons bien le temps de nous reposer.
Et puis les discussions font passer le temps beaucoup plus vite. Je finirai même par y prendre plaisir!!! Le vent ne se lèvera jamais, la pluie ne nous épargnera pas, et la vue de l’atoll de Fakarava au lever du soleil nous met tous en joie! Nous posons l’ancre vers 7 heures du matin, après une grosse sieste la journée s’offre à nous! Mais l’activité principale sera les allers-retours à la station mobile pour racheter les 450 litres de gasoil dépensés!!!! Qui a dit qu’un voilier c’était écolo????
Nous retournons au snack du requin dormeur, nous allons voir les poissons et nous remusclons nos jambes avec marche et footing. Car si moi je danse et je pratique la barre au sol très régulièrement, Alex est soit assis, soit allongé pour dormir ou nager. Il sent son corps dépérir et notamment ses muscles posturaux.
Nous faisons la connaissance en chair et en os d’Amandine et Christian, deux voileux avec qui nous correspondons régulièrement sur les réseaux sociaux.
Je suis mega fan de la coiffure d’Amandine!
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Louise suit tranquillement notre rythme de retraités, nage le matin, dej et sieste, temps libre et balade le soir! Cela semble lui faire un bien fou même si elle a des réunions en télé-travail dès 5h30 du matin pour être raccord avec l’heure française.
Nous en profitons quand même pour l’exploiter… Elle imperméabilise notre Bimini!
Nous n’avons que 15 jours pour trouver une fenêtre météo qui nous mènera jusqu’aux Marquises et la chance nous sourit, après 5 jours à Fakarava, il est temps de naviguer jusqu’à Nuku Hiva… Louise ne peut s’absenter aussi longtemps et retourne à Moorea. Cette navigation nous l’appréhendons depuis plusieurs mois. Souvent je projette le moment où nous poserons l’ancre dans la baie de Nuku Hiva, ce moment où Alex me dira comme il le dit tout le temps « c’est bon pour moi », après avoir vérifier à l’étrave que l’ancre accroche bien après une petite marche arrière. Cette scène je la vis et revis dans ma tête, impatiente de la vivre en vraie, libérée de cette épée de Damocles, pour moi et aussi surtout pour Alex qui a vécu cette année bien empoisonnée par les navigations stressantes.
Nous sommes assez excités de partir car en fait nous sommes excités d’arriver, d’approcher le « c’est bon pour moi ». Nous devrions mettre 5 jours et 5 nuits. Les différentes météos ne disent pas la même chose, nous verrons bien sur place.
Les deux premiers jours, le vent est faible et de face, nous devons mettre le moteur pour accélérer et créer du vent apparent. Nous mangeons une trop bonne tarte et avons une certaine énergie. Ça se complique le 3eme jour, le plus dur psychologiquement, nous ne sommes pas encore à la moitié du trajet. Encore des heures et des heures à vivre malmenés par la mer agitée qui nous gifle de ses vagues qu’on se prend dans la gueule. Le sel et le soleil brule la peau, nous sommes toujours sous tension avec le mouvement incessant du bateau et le cockpit n’est pas du tout confortable. Nous avons hyper mal au dos et comme nous dormons toutes les 2 heures des petits sommeils, nous avons toujours la bouche pâteuse et aucun appétit. Être coincée dans les embouteillages? Mais j’en rêve! Juste une pause, une trêve à ce calvaire mais c’est impossible. Il faut tenir, patienter, prendre sur soi.
Le 4ème jour est aussi difficile, ce n’est pas encore « la dernière nuit », « les derniers réveils »… Mais le vent forcit et vient plus de travers, la fameuse « fenêtre météo » avait bien dit vrai! Ouf! Nous pouvons enfin éteindre le moteur. Et aller vite. Et ne pas tirer des bords. Même si nous sommes quand même face aux vagues et au courant, nous avançons au cap et psychologiquement ça aide beaucoup. Je remercie ces miraculeux cachets qui me permette de ne pas être trop malade même si je n’ai aucun appétit.
Le dernier jour arrive enfin! Nous savons que nous arriverons mardi au petit matin! Le lundi reste quand même une très très longue journée, lorsqu’il est 10 heures j’ai l’impression qu’il est 15 heures…Je réalise que non, le soleil ne va pas bientôt se coucher… Nous écoutons de nombreux podcasts que nous nous racontons ensuite. Un autre sujet de conversation qui réconforte un peu dans ces moments difficiles: qu’est ce qu’on va faire une fois arrivés aux Marquises? Qu’est ce qu’on va s’acheter à Seattle? Et à Paris, ça sera quoi le programme? Pour le coup ne pas être dans le moment présent est source de grand bonheur!
Nous apercevons ébahis, un arc en ciel de lune!!!!
Je tire pas mal Alex vers le bas en lui rappelant sans cesse combien nous souffrons, il me dit que s’il avait fait cette navigation avec Clémentine, notre amie capitaine toujours enthousiaste pour les traversées, c’est sur qu’il ne l’aurait pas vécu pareil!!! Dans le dépassement de soi, pour moi la souffrance prédomine sur le reste, j’ai bien du mal à comprendre ceux qui font des IronMan, des traversées à la nage des heures durant, pourquoi infliger ça à son corps? Ok, après on est fier de l’avoir fait mais à quel prix? Non non non, moi je préfère ma zone de confort parce qu’il y a le mot « confort » et que pour moi, le confort est davantage source de bonheur que le « super je l’ai fait j’en suis capable! ».
Ce qui m’aide à tenir ces 5 jours 5 nuits interminables c’est d’éloigner Diatomée des potentiels cyclones, protéger notre bébé et il faut le faire et c’est tout.
Mardi 31 octobre, 5h44, nous rentrons dans la baie de Nuku Hiva, les montagnes marrons dressées autour de nous, nous revivons la fin de la transpacifique! Nous envoyons des photos à Cédric et Guillaume, nos équipiers d’il y a trois ans.
Le sourire d’Alex révèle juste un « no comment » !
Après avoir posé l’ancre, la marche arrière est enclenchée. Alex me dit « je pense que ça a bien accroché ». Ah non! Il me gâche le moment! Il ne dit pas la fameuse phrase!!! Alors je lui dis « c’est bon pour toi? » et il me répond « c’est bon pour moi ».
La joie intérieure est au delà de ce que j’avais projeté. Naviguer seulement à deux sur un bateau aussi gros pour une traversée vraiment pas facile, c’est assez admirable alors je me permets de nous admirer. Et pourtant nous avons fait pire!
Nous avons 3 jours pour hiverner le bateau, remplir les cuves de gazole, briefer Linda notre boat sitter, réparer les pompes et le générateur qui continuent de dysfonctionner… Malgré la fatigue, nous débordons d’énergie, nous nous sentons pousser des ailes… C’est peut être ça la finalité du dépassement de soi…
À cette humeur positive s’ajoute une grande première pour moi: « Whirlwater » et « Dance with Diatomée », nos deux petits courts métrages de danse sous l’eau, font partie de 5 finalistes plus d'une vingtaine de films dans un festival que j’adore!!!! Je n’en reviens pas!
À une toute autre échelle, durant cette même période, sort la série « Polar Park » sur Arte, écrite et réalisé par Gérald, mon beau frère auteur des nombreux dessins qui illustrent le carnet de bord. C’est un carton total, les critiques sont dithyrambiques, le serveur d’arte bugg tellement le nombre de connexions explose, les spectateurs adorent l’originalité de cette série, les dialogues, l’ambiance, l’humour, les personnages…Le bouche à oreille fait vite effet et à l’heure où j’écris, il y a plus de 2 millions de spectateurs… Quand même, la reconnaissance, ça fait du bien!!!
Nous retrouvons Linda qui va garder Diatomée en venant vivre à bord. Elle va bientôt retrouver Sanni notre ancienne boat sitter qui va venir passer quelques jours aux Marquises pour le grand festival qui a lieu tous les 4 ans. Nous l’assommons d’informations et de recommandations mais elle semble contente de changer de bateau! Elle était sur un catamaran sans frigo et avec l’électricité défaillante…
Nous pouvons maintenant nous envoler pour Tahiti passer deux nuits dans un bel hôtel bien mérité!
En direct de notre vol Marquises-Tahiti: le phénomène « Polar Park » semble avoir traversé la planète…!!!
Nos 2 jours à l’hotel consistent à passer du canapé du grand hall de l’hôtel au canapé de la terrasse de l’hôtel au transat de la piscine au lit Queen size de la chambre…
Je retrouve le plaisir de nager dans de l’eau douce et calme, cela me semble si facile comparé à mes tours de bateau dans la baie noire et houleuse de Nuku Hiva!
Puis nous passons 5 jours à Seattle avant de retourner à Paris. J’épluche guides, vlogs et blogs concernant la ville pour ne rien louper et j’avoue que je reste dubitative… Les principales attractions sont une horrible statue troll cachée sous un pont, un métro aérien très semblable à celui de Jaures au pied de chez nous, un marché aux fleurs et un mur de chewing gum usagés… Je vous laisse imaginer la tête d’Alex quand je lui explique le programme…
Heureusement nous avons une chambre avec une vue incroyable…
Et la visite de l’immense Space needle et du Chihuli garden and glass réhausse un peu le niveau!
La space needle inspire beaucoup Alex qui dessine chaque soir pendant que j’espionne la tour en face!!!!
Nous passons des super journées à marcher énormément, faire les boutiques et découvrir une nouvelle ville, mais c’est vrai que c’est un peu comme penser visiter Paris et se retrouver à Saint-Etienne!
Les baleines ne nous quittent plus!
Nous retrouverons Diatomée en mars, en attendant je vous laisse méditer sur les mots de Louise après son séjour à bord. Avec Mélanie (la créatrice de miki miki salty), elles sont les plus belles rencontres de cette année!
À très vite!